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Opéra : Ariane

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Opéra : ARIANE. — Captivé par la douce et mélancolique figure d’Ariane, M. Catulle Mendès, en suivant d’assez près la légende mythologique, a composé un poème délicat, semé d’heureuses trouvailles, où son verbe prismatique fait merveille. Héros des temps fabuleux, dieux et déesses, descendent de leur piédestal, abandonnent leurs attitudes hiératiques, leur majesté plusieurs fois millénaire, et, devenant de simples mortels, goûtent à la souffrance, au désespoir, à la mort. Le dialogue s’en ressent, plus moderne que solennel, d’un modernisme si aigu même, qu’il surprend.

Donc, Ariane, éprise de Thésée lui a remis le fil qui doit guider ses pas dans le labyrinthe et l’aider à combattre le Minotaure. Sa sœur Phèdre, vouée aux tragiques destins, s’irrite d’abord de la trahison d’Ariane envers sa patrie et ses dieux, mais elle voit le héros, assiste aux péripéties de sa lutte contre le monstre, et n’a plus pour lui que des regards enivrés. Vainqueur, il avoue son amour à la blanche Ariane, l’emmène vers Athènes, et Phèdre, en baisant la main de l’époux d’Ariane, implore la faveur de le suivre. Il consent. Sur la galère qui les conduit, pendant que Thésée et sa compagne se répètent qu’ils s’adorent, Phèdre gémit sur son coupable amour. Survient une tempête. Parmi le fracas du tonnerre, Phèdre avec des cris et des sanglots, appelle la bienfaisante mort. Mais le courroux de Neptune s’apaise et la nef aborde à Naxos, l’île fortunée aux floraisons miraculeuses, au climat béni. Après quelques jours de félicité, Thésée se détache d’Ariane, trop douce, trop tendre, et qui ne sait qu’aimer. Phèdre l’a conquis, Phèdre farouche et sauvage, la « fière aux noirs cheveux. »

Pour complaire à sa sœur qui la supplie, Phèdre essaie de ramener le héros aux pieds de son épouse. Hélas ! lorsqu’Ariane survient, elle trouve que les deux amants l’ont oubliée. Leur mutuelle passion fut plus forte que le devoir. Thésée disparaît piteusement. Phèdre veut implorer sa sœur, mais celle-ci la chasse, puis la pleure et se lamente ; elle voudrait pardonner. Mais on rapporte inanimé le cadavre de la coupable. Dans l’excès de son désespoir, Phèdre ayant insulté Adonis, Cypris, courroucée, écrase l’insolente sous le poids de la statue outragée. Que fait Ariane ? Elle implore Cypris et obtient la faveur d’aller reprendre aux enfers celle qu’elle ne peut haïr. Guidée par les Charités, elle se prosterne aux genoux de la Perséphone implacable, et pour l’attendrir lui donne des fleurs de la terre, de belles roses au cœur saignant et parfumé.

Phèdre reverra donc la lumière du jour. Silencieuse et voilée, Ariane la conduit auprès de Thésée qui criait son désespoir et clamait aux échos insensibles « ses deux amours, ses deux douleurs ». — « La voilà ta Phèdre ! » dit Ariane dans un geste de dévouement sublime.

Vaincu par une telle abnégation, le héros jure une éternité de tendresse à sa douce compagne. Or, tandis qu’elle suspend des guirlandes fleuries aux portiques du palais, Phèdre, jusque là muette et cachée, se dévoile. Adieu les serments, adieu le devoir ! Thésée saisit la brune chasseresse et l’emporte sur sa galère, qui fait voile aussitôt vers Athènes. Et, compatissantes, à la douleur plaintive d’Ariane, les sirènes l’entraînent doucement au fond des mers.

Sur ce thème, M. Massenet a brodé, avec son talent prestigieux, de délicieuses arabesques. La musique épouse admirablement le poème. Le compositeur s’est identifié avec son héroïne, il partage ses douleurs il pleure avec elle, il souffre de ses maux, et trouve pour les exprimer de beaux accents.

Ce n’est pas la puissante symphonie wagnérienne. Ce n’est pas la voluptueuse et grisante Manon, ce n’est pas le douloureux Werther. Ariane, par sa forme, sa conception se rapproche de Thaïs, sa sœur aînée. Les violons et les violoncelles pleurent une « méditation » qui sera aussi admirée que celle de Thaïs. Les plaintes d’Ariane, son invocation à Cypris, rappellent Glück, son génie, sa simplicité noble à la fois et majestueuse. Ariane est une œuvre de douceur sereine, traversée par des cris de passion, où domine et plane l’idéale figure de la femme trahie, abandonnée et cependant clémente, qui meurt sans maudire, résignée à son destin cruel.

J’ai nommé Glück. Il semble en effet que Massenet ait voulu, en composant Ariane, évoquer Orphée le joyau de notre musique française. Après le mystique Jongleur de Notre-Dame, voici Ariane amante idéale, ange plutôt que femme. Est-ce une évolution ?

L’interprétation est hors de pair avec Mlle Bréval. Sa douce voix si pure, son geste sobre, son masque douloureux et résigné, sont une merveille de science et d’art. À ses côtés triomphe aussi Mlle Grandjean, mais d’une manière moins absolue. Les admirateurs de Wagner adorent l’artiste qui créa d’inoubliable manière Tristan et Isolde à Paris ; d’autres la trouvent froide et peu harmonieuse. Il y a un peu de cela. La tradition wagnérienne, dont Mlle Grandjean est la parfaite interprète, déteint fâcheusement sur le personnage de Phèdre, Phèdre qui trahit sa propre sœur, et sera plus tard, une seconde fois de même, « malgré soi perfide, incestueuse », Phèdre livrée par conséquent à toutes les impétueuses ardeurs de la passion. Elle devait nous transporter, nous émouvoir : elle nous laisse indifférents. M. Muratore a une assez bonne voix, mais il ressemble plutôt à un lutteur qu’à un héros, ses cris d’amour pourraient être aussi bien des cris de colère, et ses appels désespérés des chants belliqueux. Il n’est peut-être pas bien fixé lui-même sur le sentiment de son personnage. M Delmas, dans un simple rôle de confident, nous a montré ce que c’était qu’un véritable et parfait artiste. Que dire de lui qu’on ne sache déjà ? Mlle Arbell déclame avec talent les pleines de Perséphone regrettant la terre, Mlle Mendès a bien chanté de sa voix menue, la jolie page :

Ariane, Ariane. Épouse,
Pourquoi pleurez-vous !

Dans un trop court ballet sont justement admirées Mmes Zambelli et Sandrini.

Les décors dans l’ensemble sont beaux et d’une tonalité heureuse. Cependant la galère ne semble pas trop secouée par les vagues au moment de l’orage ! Les cordages grincent, les lanternes se balancent, mais le vaisseau reste d’une immobilité qui produit un fâcheux effet et nuit à l’illusion du spectateur.

On prétend que ce contre-sens est forcé à cause des artistes qui ne pourraient chanter sur un vaisseau ballotté. C’est dommage.

M.

Persone correlate

Compositore, Pianista

Jules MASSENET

(1842 - 1912)

Opere correlate

Ariane

Jules MASSENET

/

Catulle MENDÈS

Permalink

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data di pubblicazione : 21/09/23