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Les premières. Alcazar royal. La Fille de Madame Angot

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LES PREMIÈRES
Alcazar Royal – La Fille de Mme Angot, opéra bouffe en 3 actes, de MM. Clairville, Siraudin et Victor Koning, musique de Ch. Lecocq.

Une première à Bruxelles !

Pourquoi pas ? il y a longtemps que Bruxelles est considérée comme un quartier un peu excentrique de Paris, et d’ailleurs, ce soir, la salle de l’Alcazar ne présente-t-elle pas l’apsect ordinaire de ces sortes de solennités ? 

Si je jette un coup d’œil dans les coulisses, j’aperçois les lunettes de Clairville, la chevelure de Siraudin et le profil austère de Koning ; c’est à se croire aux Variétés, pendant un entracte de la Revue.

Derrière un portant je distingue encore la figure sympathique de Ch. Lecocq, le compositeur de Fleur de Théet des Cent Vierges ; il est pâle, ému, comme si sa musique n’était pas ravissante et comme si les refrains de Mademoiselle Angot ne devaient pas devenir bientôt aussi populaires à Paris qu’ils le sont déjà ici.

Dans la salle, ma lorgnette ne se repose que sur des visages connus. 

Voici M. Cantin, directeur des Folies-Dramatiques, qui va monter la pièce sur son théâtre ; Peragallo, l’agent dramatique qu’on appelle ici, je ne sais trop pourquoi, Perigola ; les éditeurs Brandus et Bathlot, à la poste de cette partition qui doit les enrichir ; Busnach, venu là en bon camarade pour jouir d succès de son copain Clairville ; Alfred Picard, un financier spirituel (rara avis !) ; Eugène Tarbé, un gourmet de musique, lui aussi.

Puis, MM. Fétis, Gevaërt, Frédérickx, des Belges aussi Parisiens que nos boulevardiers.

Enfin, pour comble de couleur locale, je me trouve assis à côté de Paul Brébant !

Les auteurs se seront dit qu’il n’y a pas de véritable première sans lui, et c’est à prix d’or qu’ils se sont procuré un monsieur qui ressemble à s’y méprendre au restaurateur de lettres du boulevard Montmartre. 

N’est-ce pas Sardou que je vois là-bas dans un coin ? oui, c’est bien lui ! Je le croyais en train de lire sa pièce américaine aux artistes du Vaudeville !

Je m’informe et j’apprends que c’est le frère du célèbre auteur, E. Sardou, lequel est établi marchand de journaux dans les galeries Saint-Hubert, où il a pour demoiselle de comptoir… Mme Paër, une duègne bien connue des b-habitués de l’ancien théâtre Déjazet.

Mais quelle est cette odeur de pétrole qui se manifeste tout à coup ? Je me retourne et je me trouve en présence du citoyen Cavalié, plus connu sous le nom de Pipe-en-Bois ; l’ancien secrétaire de la délégation de Tours, l’ex-intérimaire, sous la Commune, de M. Alphand, utilise ses aptitudes mathématiques chez un ingénieur bruxellois, en attendant des jours meilleurs, c’est-à-dire l’avènement de son auguste lâcheur et patron Gambetta.

… La toile se lève : attention.

Je me demande pourquoi les auteurs ont appelé leur ouvrage un opéra-bouffe. La Fille de madame Angot mériterait plutôt le titre d’opéra comique, et il y aurait bien peu de changements à y faire pour la rendre digne de la salle Favart.

D’ailleurs, el talent particulièrement fin et distingué de M. Lecocq se trouve plus à l’aise lorsqu’il accompagne des situations de comédie agréables que quand il doit interpréter les éclats d’une gaieté bruyante et les facéties pimentées d’une farce au gros sel.

Les paroliers lui ont donné, cette fois, l’occasion de développer toutes les ressources de son inspiration délicate ; ils ont écrit un poëme intéressant, sans chercher leurs effets dans des quiproquos connus et dans des coups de scènes insensés.

En voic du reste l’analyse rapide : 

Nous sommes en plein Directoire ; les forts et les dames de la Halle revêtus pour la circonstance de leurs plus beaux habits, se disposent à marier leur fille adoptive, Clairette, la plus gentille fleuriste qui ait jamais promené son éventaire entre Saint-Eustache et la fontaine des Innocents.

La mère de Clairette n’était autre que la célèbre Mme Angot, dont les aventures croustillantes ont si longtemps alimenté la chronique scandaleuse du dix huitième siècle. Après avoir aimé dans toutes les parties du monde, Mme Angot, devenue marchande à la Halle, était morte, laissant orpheline une enfant de cinq ans dont elle aurait été bien embarrassée de désigner le père. 

Clairette, restée seule au monde, a retrouvé une famille dans les amies et les camarades de sa mère. Par leurs soins et à leurs frais elle a reçu une éducation complète, et maintenant qu’il n’y a pas sur le Carreau un plus joli brin de fille, «  ses pères et mères » vont la marier au perruquier Pomponnet.

Toute la halle est sens dessus dessous, la noce enrubannée se dirige vers la municipalité ; mais Clairette aime en secret un certain Ange Pitou, espèce de troubadour réactionnaire, chansonnier de carrefour, qui parcourt la ville en lançant à tous les échos ses couplets satiriques contre le gouvernement.

Sans cesse arrêté, il est sans cesse relâché par l’influence toute-puissante, mais occulte d’une protectrice dont il cherche en vain à connaître le nom. Il n’a ni sou ni maille, le chansonnier, mais sa voix est douce, son œil vif et son jarret bien tendu ; aussi Clairette le préfère-t-elle à ce pauvre Pomponnet, et pour retarder une union qu’on lui impose, elle se met au beau milieu des Halles, à chanter la dernière chanson de Pitou, dans laquelle Barras, un traitant nommé Larivaudière et Mlle Lange, favorite du directeur, sont raillés et lardés d’épigrammes.

La foule applaudit, mais à peine la jeune fiancée a-t-elle dit le dernier de ces couplets séditieux, que la police envahit le marché, arrache Clairette des mains de son finacé éperdu et l’emmène en prison.

Ce n’est pas encore aujourd’hui que la fille de Mme Angot deviendra Mme Pomponnet.

Nous voici maintenant en pleine politique. À cette époque bienheureuse, la conspiration était à l’ordre du jour, et les auteurs n’ont eu que l’embarras du choix entre les innombrables complots que mentionne l’histoire.

Ils ont pris celui connu sous le nom de : « Conspiration des perruques blondes et des collets noirs », ce qui a fourni à M. Lecocq l’occasion d’écrire un chœur de conspirateur adorable, un pur bijou, une véritable trouvaille !

Donc Barras conspire, Larivaudière conspire, Mlle Lange conspire, tout en pensant au joli chansonnier, car c’est elle qui s’est instituée la providence cachée d’Ange Pitou.

Elle le fait venir, et l’ingrat oublie bien vite auprès de la séduisante comédinne, la pauvre Clairette qui s’est fait emprisonner pour se conserver à lui…

J’en étais là de mon analyse lorsque soudainement ma porte s’ouvre, et trois hommes, proprement mis, se présentent ; je reconnais Clairville, Siraudin et Koning. Sans dire un mot, ils se jettent à genoux, tendent vers moi des mains suppliantes et roulent à mes pieds.

Surpris de cette pantomime, je leur fais signe de cesser leurs exercices, qui soulèvent trop de poussière dans la chambre, et relevant avec bonté le plus âgé, je lui demande le but de sa visite.

Alors, d’une voix entrecoupée par l’émotion, il me prie de ne pas envoyer au Gaulois le dénoûment de leur pièce.

« Si vous racontez notre ouvrage, me dit cet infortuné, comme votre article sera plus amusant que nos trois actes, le public parisien ne voudra plus aller les écouter ! »

Et comme j’hésitais, il continua :

« Vous êtes bon et généreux, nous sommes de pauvres auteurs qui gagnons péniblement notre vie, ayez pitié de nous ! »

Il me vit fléchir, et devant plus pressant : 

« Si vous ne le faites pas pour nous, faites-le du moins pour Cantin ! »

Et dans la pénombre du corridor, j’aperçus la tête vénérable du directeur des Folies Dramatiques qui fixait sur moi des yeux baignés de larmes…

Je n’y pus tenir, et leur tendant une main qu’ils baisèrent respectueusement :

« Allez ! leur dis-je ; allez en paix ; je ne raconterai pas le dénoûment de la Fille de Madame Angot ! »

Ils sortirent en me comblant de bénédictions et en laissant cinq francs sur la cheminée[1].

Et voilà, chers lecteurs, pourquoi vous ne saurez pas aujourd’hui la fin des amours de Clairette et de Pomponnet. Qu’il vous suffise d’apprendre que la fleuriste n’est pas pour rien la fille de sa mère et que l’infidèle Pitou pourrait se repentir de lui avoir préféré la courtisane Lange.

Sachez encore que la partition de M. Lecocq est tout simplement ravissante d’un bout à l’autre. Il y a principalement au second acte un duo entre les deux femmes qui est un petit chef-d’œuvre d’esprit et de goût ; il y a encore,… mais je ‘en finirais pas s’il me fallait énumérer tous les morceaux qu’on a applaudis, et un seul fait vous donnera la mesure du triomphe obtenu par le compositeur : Après le second acte, la salle toute entière s’est levée et a demandé M. Lecocq qui a dû paraître sur la scène, amené par sa gracieuse interprète Mlle Desclauzas.

Cette a largement contribué au succès de la soirée : elle est charmante comédienne et agréable chanteuse. Ce serait une heureuse acquisition pour l’un de nos théâtres d’opéra-bouffe.

Mlle Desclauzas, que je n’avais pas entendue depuis le temps où elle jouait les « prince charmant » au Châtelet, a fait d’énormes progrès et je partage à son égard l’enthousiasme du public bruxellois qui a fait fête à la nouvelle étoile de l’Alcazar. 

Je citerai aussi Mlle Luigini, une ingénuité qui a le diable au corps, M. Mario Widmer, un gentil garçon que nous verrons à Paris quelque jour, et nos anciennes connaissances, MM. Jolly et Touzé.

Quant aux décors, ils sont très réussis, et les costumes, dessinés par Grévin, sont exécutés avec beaucoup de luxe et d’originalité.

La Fille de madame Angot fera courir tout Bruxelles à l’Alcazar, en attendant qu’elle courir tout Paris aux Folies-Dramatiques… quand Héloïse et Abélard le permettra.

François Oswald.

[1] C’est sans doute cinq louis que notre collaborateur a voulu dire. – N. D. L. R.

Persone correlate

Compositore

Charles LECOCQ

(1832 - 1918)

Opere correlate

La Fille de Madame Angot

Charles LECOCQ

/

CLAIRVILLE Victor KONING Paul SIRAUDIN

Permalink

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data di pubblicazione : 26/09/23