Brxuelles. La Fille de Madame Angot

BRUXELLES […] ALCAZAR. — On vient de représenter un opéra bouffe en trois actes, de MM. Clairville et Siraudin, musique de M. Lecoq, intitulé : « la Fille de Madame Angot. » La salle était comble et jamais nous n’avons vu un enthousiasme pareil, il tenait du délire.

Le poëme n’est ni d’une fantaisie étrange ni d’une bouffonnerie risquée ; c’est un opéra comique facile, d’une allure légère et d’une invention simple. L’action se passe sous le Directoire et met en scène les amours de Mlle Angot et du chansonnier Ange Pitou, compliqués d’une intrigue réactionnaire. Mlle Angot, enlevée par les dames et les forts de la Halles, se laisse séduire par les paroles d’Ange Pitou ; mais elle s’aperçoit bien vite que les paroles du chansonnier ne sont que des chansons et que la comédienne Lange est sa rivale ; cette rivale a le cœur sur la main et sa main est à Ange Pitou. Mlle Angot épouse un honnête garçon, un Pimponet quelconque, dont elle sera aimée fidèlement et qui ne chantera pas fleurette à tout le monde. Tel est le poëme du nouvel opéra bouffe ; la musique de M. Lecoq, sans être d’une grande originalité, est charmante et piquante. Le public, qui la comprend certainement mieux que celle de Wagner, l’a applaudie à outrance. Plusieurs morceaux ont été bissés, ceux qui ont eu le plus de succès sont les couplets de Madame Angot, au premier acte, qui sont bien rhythmés, et ceux des Commères au troisième ; plusieurs airs du second acte sont charmants : le duo pour voix de femme, les couplets sur la République, le chœur des conspirateurs et la valse finale ont obtenu un énorme succès.

L’exécution est réellement remarquable et il y a de grands théâtres où les ensembles ne marchent pas aussi bien. Mme Desclauzas mérite tous nos éloges. Mlle Luigini, qui possède une voix de soprano charmante, chante avec goût le rôle de la Fille de Madame Angot ; cette artiste est excellente comédienne, elle dit juste et avec esprit. M. Widmer s’est montré, comme dans tous ses rôles, excellent comédien ; aussi son succès a-t-il été complet. Les artistes ont été rappelés après chaque acte. Décors, costumes, mise en scène, tout a été soigné de main de maître. Nous devons des félicitations à M. Humbert, l’intelligent directeur de l’Alcazar, il a fait œuvre d’artiste et œuvre d’initiateur.

L. PRUDENT.