Grande Messe des morts [Requiem] op. 5

Berlioz compose sa Grande Messe des morts pour répondre à une commande du ministère de l’Intérieur. C’est Habeneck qui en dirige la création à l’église Saint-Louis des Invalides, le 5 décembre 1837, lors des obsèques du général Damrémont. L’orchestre comprend huit paires de timbales, quatre tam-tams, quatre groupes de cuivres répartis aux angles de l’orchestre principal. « C’est un succès qui me popularise, c’était le grand point ; l’impression a été foudroyante sur les êtres de sentiments et d’habitudes les plus opposées », raconte Berlioz à son ami Humbert Ferrand. Les effets spectaculaires doivent aussi leur relief à la diversité du traitement de l’effectif. À l’« horrible grandeur » du Tuba mirum (issu de la Messe solennelle de 1824), avec ses groupes de cuivres spatialisés, s’opposent l’introspection du Quid sum miser et la polyphonie néo-Renaissance a cappella du Quaerens me. Si plusieurs passages témoignent de l’influence des musiques révolutionnaires, d’autres sidèrent par leur audace inouïe. On songera notamment à l’abîme de quatre octaves qui, dans l’Hostias, sépare les registres extrêmes des flûtes et des trombones ; au chœur psalmodié sur la marche fuguée de l’orchestre dans l’offertoire (idée reprise dans le « Convoi funèbre de Juliette » en 1839). Berlioz reconstruit le texte, écartant le graduel, le trait et le Benedictus, supprimant certains versets ou changeant leur place. Une telle appropriation témoigne de la puissance de son investissement. Jusqu’à la fin de ses jours, il conserve d’ailleurs une affection indéfectible pour son Requiem. En 1867, il confie : « Si j’étais menacé de voir brûler mon œuvre entière, moins une partition, c’est pour la Messe des morts que je demanderais grâce. »