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Chronique musicale. Namouna

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CHRONIQUE MUSICALE
Namouna (1)

La première représentation de ce ballet avait été assez froide ; une certaine hostilité s’était même, dit-on, manifestée ; mais cette impression ne s’est pas maintenue. Ayant assisté à la cinquième représentation, nous avons pu constater combien le public véritable est plus impartial que le public des premières, juge avec plus de sang-froid et remet les choses à leur place. La vérité est que le ballet de M. Lalo est rempli de charmante musique, que tout le premier acte, particulièrement réussi et original, est très apprécié des auditeurs ; que le second contient plusieurs très jolis morceaux, et un entre autres qui est bissé, dont nous parlerons tout à l’heure.

Nous ne raconterons du sujet de ce ballet que ce qui est indispensable pour en faire comprendre la couleur.

La scène se passe à Corfou, vers le XVIIe siècle. Un capitaine de pirates joue et perd contre un jeune seigneur du pays son argent, son navire et une captive d’une grande beauté, Namouna, l’héroïne du ballet. Le gentilhomme, ayant tout gagné jusqu’à ce dernier enjeu, rend la liberté à Namouna. Naturellement l’enjeu devient amoureuse de son nouveau propriétaire. Lui, cependant, aime une autre femme ; de là sérénades, duels, enlèvement, fêtes et finalement triomphe de l’amoureuse Namouna. Costumes variant du caftant oriental au pourpoint espagnol ; jolis décors, notamment celui qui représente la place de Corfou, très gaie et très pittoresque.

La musique de M. Lalo demanderait une analyse assez serrée, car elle contient beaucoup de détails intéressants ; mais, si on peut expliquer jusqu’à un certain point le caractère d’une composition où le chant a un rôle prépondérant, il devient très difficile de faire comprendre une musique purement instrumentale, qui se modifie incessamment suivant les jeux de scène. Voici cependant quelques situations qui méritent une mention spéciale.

C’est d’abord une scène où Namouna, déguisée en bouquetière, empêche les deux rivaux de se battre en duel en leur offrant obstinément des fleurs. Cette jolie action, dansée avec beaucoup de grâce par Mme Sangalli et accompagnée d’une musique caressante, féline, est interrompue plusieurs fois par un rythme batailleur. Ceci est tout à fait original et charmant.

Le second tableau commence par une sérénade, qui est aussi très remarquable, ouvragée de pizzicati d’un effet pittoresque et coloré à l’ancien style ; puis vient une fête grouillante, très mouvementée, où l’auteur a donné pleine carrière à son dédain du régime diatonique, ce qui l’a même entraîné un peu loin. Le divertissement dansé qui suit est très nouveau et agréable, et d’une distinction originale qui se communique même à la danse. On y remarque un pas de deux danseuses qui forme le plus agréable duo qu’on puisse voir.

Le deuxième acte contient aussi de fort jolis passages dont le principal est un pas dansé par Mme Sangalli qui est toujours bissé ; il est accompagné par un solo de flûte. C’est un effet qui n’est pas nouveau, mais qui produit un spectacle charmant. Ce n’est pas que ni la danse ni l’air de flûte qui l’accompagne soient très remarquables en eux-mêmes ; mais le charme très grand qui en résulte consiste dans cette alliance de la danse et de la musique réduites à leurs éléments les plus simples et les plus naturels : une danseuse, et un instrument pour régler le rythme de ses pas. Que d’efforts on fait souvent pour ne pas arriver à un plaisir plus grand que celui que donnent les sensations primitives des arts ! Ce qui séduit le public, c’est peut-être, dira-t-on, les pirouettes volantes de la fin. Le plaisir d’être débarrassé un instant des artifices compliqués de l’art musical et de voir si bien unis deux arts qui sont si souvent loin l’un de l’autre maintenant, ce plaisir compte bien un peu dans le succès.

M. Lalo a, en somme, apporté dans la musique de danse une délicatesse et une originalité qu’on n’est pas habitué à y rencontrer et que le public ne croit pas devoir demander à la musique de ballet. C’est cependant bien à tort qu’on considère la musique d’un ballet comme une production moins intéressante qu’un opéra. La musique, qui est un art de mouvement, est tout à fait apte à accompagner les gestes et le mouvement de la danse, plus facilement peut-être que celui de la parole. L’harmonie qui résulte d’une progression mélodique et des attitudes d’un corps souple et agile amène une contemplation qui n’est certainement pas faite pour le vulgaire, et il n’y a que les délicats qui en jouissent. L’antiquité, qui avait conscience de tout ce qui est beau, l’avait bien compris quand elle conviait la musique et la danse à la fin d’un festin ; et nous qui avons le tabac de plus qu’elle, nous consacrons le temps qui serait favorable pour faire venir des troupes de musiciens et de danseurs à parler de politique ou de littérature, voire même de musique ou de danse, dans le moment où il serait le plus agréable d’en jouir.

Léon Pillaut.

(1) Ballet de MM. Nuitter et Petipa ; musique de M. Lalo.

Persone correlate

Compositore, Giornalista

Léon PILLAUT

(1833 - 1903)

Compositore

Édouard LALO

(1823 - 1892)

Opere correlate

Namouna

Édouard LALO

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Charles NUITTER

Permalink

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data di pubblicazione : 03/11/23