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Les premières représentations. Le Roi d'Ys

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LES PREMIÈRES REPRÉSENTATIONS
Opéra-Comique. Le Roi d’Ys, drame lyrique en trois actes et cinq tableaux, poème de M. Edouard Blau, musique de M. Edouard Lalo.

On connaît la belle et poétique légende bretonne, qu’a inspiré une complainte qui se chante, dans les Côtes-du-Nord et le Finistère, sur l’air de Saint-Julien l’Hospitalier. Elle rapporte, cette légende, l’histoire de la submersion de la ville d’Ys, Ker-Ys. La capitale du roi Gradlon était défendue contre les invasions de la mer par un puits ou bassin immense, destiné à recevoir l’excédent des eaux, à l’époque des grandes marées. Ce puits avait une porte secrète dont le roi seul gardait la clef. Or, une nuit, pendant qu’il dormait, la princesse Dahut, sa fille, voulant couronner dignement les folies d’un banquet donné à son amant (lequel n’était autre que le Diable), déroba à son père la clef fatale, ouvrit les écluses, et submergea la ville. Le roi Gradlon s’enfuit sur son cheval, emportant sa fille en croupe, par pitié. Mais les flots le poursuivaient.

Saint Corentin lui apparut alors et, par trois fois, lui cria « Repousse le démon assis derrière toi ! » Le malheureux père obéit et soudain la mer s’apaisa. M. Luminais a retracé cette scène dans un tableau qui se trouve aujourd’hui, je crois, au, musée de Quimper.

À Quimper, on voit encore une statue qui représente le roi Gradlon, monté sur son fidèle coursier. Jadis, en un jour de fête consacrée, un ménétrier, muni d’une serviette, d’un broc de vin et d’un hanap d’or, offert par le chapitre de la cathédrale, montait en croupe derrière le roi. Il lui passait la serviette autour du cou, versait du vin dans la coupe, la présentait au prince comme eût fait l’échanson royal, et, la vidant lui-même ensuite, jetait le hanap à la foule, qui se pressait pour le saisir.

Il ne reste plus grand’chose, dans le poème qu’a livré M. Edouard Blau à M. Lalo, de la grandiose légende bretonne. Il l’a transformée en une sorte de mélodrame assez vulgaire, et l’on dirait qu’il a pris un soin extrême à diminuer tout ce qui était épique dans la version primitive. Pour dire le vrai, cette adaptation a semblé singulièrement mesquine, outre que la forme des vers est assez peu artiste. Or, aujourd’hui, le poème n’est plus considéré comme une sorte d’accessoire, mais on est en droit d’exiger qu’il ait, par lui-même, une valeur.

Tout se borne à ceci. Le roi d’Ys était en guerre avec un ennemi, le prince Karnac. La paix conclue, le prince doit épouser une des filles du roi, la princesse Margared (pourquoi Margared, au lieu de Bahut, nom vraiment barbare et plein de couleur ?). Le mariage va se conclure lorsque Margared apprend, par sa sœur Rozenn, qu’un guerrier qu’elle aimait, Mylio, dont on était depuis longtemps sans nouvelles, est encore vivant.

Aussitôt, elle reprend sa parole et refuse la main que lui tend Karnac :

Je vous dis d’oublier la promesse donnée, 
Car Je repousse un hyménée
Hier indifférent, maintenant odieux.

Karnac ne put supporter cette injure. De nouveau, il déclare la guerre au roi d’Ys, et il lui jette son gant. C’est Mylio qui le ramasse, se faisant le champion du souverain, et rendez-vous est donné, pour le lendemain, entre les troupes des deux adversaires. Mais c’est vainement que Margared a fait cet affront au prince Karnac. Ce n’est point elle qu’aime Mylio, c’est Rozenn. La princesse, éperdue, entend son père promettre Rozenn à Mylio, s’il revient vainqueur.

La bataille a lieu ; Karnac a été défait. Abandonné par les siens, humilié, plein de colère, il exhale sa rage, il invoque les puissances infernales, lorsque Margared, sombre et tragique, lui apparaît. Elle aussi, elle brûle de l’âpre désir de se venger. Elle indique à Karnac un moyen assuré de perdre ses ennemis.

… Notre cité
Par une écluse est défendue
Contre la mer au flot sans cesse tourmenté, 
Qu’on ouvre cette écluse et la voie est perdue 

Vainement, saint Corentin, patron de la Bretagne, apparait et exhorte Karnac et Margared au repentir. Margared, lorsqu’elle voit le mariage de sa sœur avec Mylio s’apprêter, n’écoute plus que son ressentiment. Elle livre les clefs de l’écluse à Karnac, et, au milieu des fêtes, une clameur d’épouvante retentit soudain les eaux furieuses ont envahi la ville. Mylio se précipite vers les digues, surprend Karnac occupé à son œuvre de haine et le tue.

Mais les flots, implacablement, montent toujours. Au dernier tableau, ceux qui restent encore de la ville d’Ys se sont réfugiés sur une falaise élevée et implorent inutilement le Ciel. Rien n’arrête la mer qui sans cesse s’avance, terrible. Pour apaiser la colère divine, il faut une victime expiatoire. Alors, Margared, épouvantée de son forfait, le confesse publiquement et se jette dans la mer, qui, aussitôt, s’apaise. Ces remords de la princesse semblent appartenir au dénouement d’un drame à la d’Ennery.
On sait que M. Lalo a attendu près de vingt ans la représentation de son œuvre, alors même que sa partition, entendue par fragments, dans les concerts, avait déjà reçu une consécration publique. Il faut savoir gré à M. Paravey d’avoir vraiment inauguré sa direction par un acte de légitime réparation. La musique de M. Lalo est d’une grande expression dramatique, et conçue dans la formule moderne. Le compositeur s’est affranchi des coupes traditionnelles de l’opéra, sans se montrer, cependant, absolument intransigeant. Les duos et les ensembles ne s’y rencontrent que lorsque la situation l’exige. L’inspiration est toujours élevée, soutenue par la science très sûre qui développe toutes les ressources qui se peuvent tirer de l’orchestre.

La mélodie n’est en aucune façon absente de la partition. Elle se trouve, par exemple, dans les lamentations des deux sœurs sur le sort, encore inconnu, de Mylio ; dans la phrase, qui a produit un grand effet, ou Rozenn, extasiée, devine la présence du guerrier ; dans le beau récit de Mylio, soutenu par un ingénieux dessin d’orchestre « Sur l’autel de saint Corentin », qui se termine par une explosion violente de mâles accents. Le chœur d’ouverture du troisième tableau, les paroles mystérieuses de saint Corentin, avec leur accompagnement d’orgue et les voix célestes qui se répondent ; le tableau entier des noces de Rozenn et de Mylio, avec le délicieux madrigal de celui-ci, attendant sa fiancée, ont causé une très vive impression, et on ne peut s’étonner que d’une chose, c’est qu’une œuvre d’une pareille élévation ait dû attendre aussi longtemps avant de se produire. 

L’interprétation est tout à fait remarquable. Mlle Deschamps a rendu avec une farouche énergie, avec un sombre désespoir tragique le rôle de Margared. Mlle Simonnet a eu, dans celui de la douce Rozenn, l’occasion d’une création qui la met en pleine lumière et où elle a trouvé un succès personnel des plus vifs. M. Talazac a dit, avec l’art le plus franc, servi par la voix que l’on sait, les élans généreux et les phrases amoureuses du guerrier Mylio. M. Bouvet a donné l’aspect infernal qui convenait au personnage de Karnac. M. Fournets a très bien dit les strophes de saint Corentin, et M. Cobalet a donné la dignité convenable à la figure du roi d’Ys.

P. G. 

Persone correlate

Compositore

Édouard LALO

(1823 - 1892)

Opere correlate

Le Roi d’Ys

Édouard LALO

/

Édouard BLAU

Permalink

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data di pubblicazione : 01/11/23