Mandoline
Le premier XIXe siècle français avait connu une « guitaromanie » – mode passagère, mais intense – ; les années 1880 et 1890 voient pour leur part un engouement très étonnant pour la mandoline.
L’instrument était auparavant présent en France sans être largement pratiqué. Il apparaissait dans les salons de la haute société comme un facteur d’exotisme musical, véhiculant les sonorités du sud de l’Italie, notamment. Parmi toutes les formes de mandolines, la « napolitaine » est d’ailleurs celle qui s’est imposée au fil du siècle. Le basculement dans la popularité s’effectue à la faveur d’un événement exceptionnel organisé en 1878 : les concerts donnés au Trocadéro dans le cadre de l’Exposition universelle de Paris.
Jusqu’à cette date, la musique n’avait qu’une place périphérique dans les grandes fêtes industrielles internationales. Elle servait au protocole pour les cérémonies d’ouverture ou de clôture ; on présentait les réalisations des facteurs d’instruments ; on organisait parfois des concours. Mais – contrairement aux beaux-arts qui disposaient depuis 1855 de salons d’exposition –, les œuvres musicales elles-mêmes ne possédaient pas de lieu de présentation. Les organisateurs de l’Exposition universelle de 1878 comblent ce manque de plusieurs manières : ils construisent une salle de concert monumentale dans l’enceinte du parc d’exposition (au centre du Palais du Trocadéro) ; ils financent plusieurs séries d’auditions ; ils invitent les pays du monde entier à y jouer leurs productions nationales. Deux nations misent alors sur la mandoline pour faire découvrir aux Parisiens leurs couleurs musicales « pittoresques » : l’Espagne et l’Italie.
De juillet à septembre 1878, quatre ensembles différents se font entendre au Trocadéro. Les Espagnols y importent leurs réunions de mandolines, guitares et percussions que l’on désigne alors sous le nom d’« Estudiantina ». Leur répertoire se divise en pièces de virtuosité de circonstance et arrangements de zarzuelas contemporaines. Les Italiens (de Rome ou de Naples) suivent une orientation similaire en alternant airs populaires et fantaisies sur des opéras de Verdi ou Rossini. L’impact immédiat de ces concerts se mesure en lisant les réactions enthousiastes de la presse parisienne (le directeur du Figaro invite même l’un de ces groupes à donner une audition chez lui), mais la mode durable pour la mandoline s’observe aussi à travers l’imposant répertoire de transcription d’opéras français qui paraissent dès lors pour cet instrument.
Les éditions Choudens ouvrent, à partir des années 1880, une collection spécialement dédiée à la mandoline avec deux formations types : piano et mandoline ; deux mandolines, mandole et guitare. Leur catalogue ne propose presque pas d’œuvres nouvelles : il s’agit essentiellement de fantaisies sur les succès lyriques du temps (puisés dans les ouvrages dont l’éditeur possède les droits). À l’instar des musiciens espagnols – qui s’appuient sur la zarzuela –, les Français sont d’abord dirigés vers l’opérette : Offenbach, Hervé, Audran, Lecocq, Varney, Messager, Planquette, etc. Néanmoins, la collection Choudens aborde aussi les genres sérieux et n’hésite pas à publier des fantaisies sur Hulda de César Franck, Le Rêve d’Alfred Bruneau ou Le Timbre d’argent de Camille Saint-Saëns. Deux artistes sont chargés de la composition de ses fantaisies ou transcriptions : Janvier Pietrapertosa et Pedro Aperte.
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data di pubblicazione : 17/09/24
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