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Les Danaïdes

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Le sujet de l’Opéra des Danaïdes est si connu que nous nous dispenserons de tracer ici le plan de cette pièce dans laquelle on ‘est exactement conformé à ce que la Fable en raconte. Nous remarquerons seulement que ce sujet, du genre le plus terrible & le plus pathétique, traité plusieurs fois sur le Théâtre Français, paraît encore mieux convenir à celui de l’Opéra, par la pompe & l’appareil du spectacle, qui en est une suite nécessaire. Quoi de plus imposant en effet que ces fêtes magnifiques, ces danses, ces chants, ces cris d’allégresse pour célébrer le mariage des cinquante filles de Danaüs avec les cinquante fils d’Égyptus son frère ? Et quel intérêt puissant ne doit-on pas éprouver, quand on sait que tous ces préparatifs ne sont qu’un piège pour tromper le crédule Amour des cinquante Princes, qui sont les victimes de la haine de Danaüs, & prêts à succomber sous les poignards de leurs épouses, dans le lit même nuptial ? ce contraste bien ménagé doit produire un effet qu’on trouve rarement dans les plus beaux Opéras.

Ces avantages du sujet se sont fait remarquer en partie dans la Pièce dont nous rendons compte. Il en est résulté plusieurs tableaux très pittoresques que nous ne ferons qu’indiquer rapidement ; d’abord celui de l’ouverture de la scène où l’on voit les cinquante Princesses, & bientôt après les cinquante Princes ; ensuite la célébration du mariage ; les serments qu’exige Danaüs de ses filles, d’égorger leurs époux : la pantomime horrible de quarante neuf de ces Mégères qui paraissent avec leurs poignards ensanglantés, & qui font éclater une joie barbare d’avoir consommé leur crime ; Danaüs poignardé par ses propres gardes sans le moment même où il voulait immoler à sa rage Hypermnestre qui avait sauvé Lyndée, son époux ; le Palais témoin de ces scènes affreuses, embrasé par al foudre, & totalement anéanti ; enfin l’aspect du Tartare, où Danaüs, enchaîné sur un rocher, est en proie à la fureur d’un vautour qui lui dévore les entrailles, & les Danaïdes, livrées à la vengeances des Furies subissant, par divers supplices, la juste punition de leurs forfaits.

Il faut avouer qu’il y a là, sans doute, de quoi repaitre l’avide curiosité du Spectateur par des images terribles, effrayantes, & qui seraient même d’une horreur dégoutante sur un autre Théâtre que celui de l’Opéra qui souffre tout. Mais il faut avouer aussi que l’Auteur ou les Auteurs (car il en est deux, l’un mort depuis peu, & l’autre qui a fait aux paroles quelques changements, & qui a principalement ajouté le cinquième acte des Enfers) ; il faut avouer, dis-je, qu’ils n’ont pas encore su tirer, de ce sujet, tout le parti qu’il présentait. Point de peinture forte, point de grands traits. Tout le pathétique est à peu près renfermé dans deux scènes ; une entre Hypemnestre & Danaüs son père ; l’autre entre la même Princesse & Lyncée son époux. Le rôle de ce dernier est assez faible, ainsi que tous les autres, à l’exception de ceux de Danaüs & d’Hypermnestre. Aussi y a-t-il des vides & des longueurs dans plusieurs scènes.

La Musique offre des beautés sublimes, dignes de l’immortel M. Gluck, & qui ont été applaudies avec enthousiasme. Les Connaisseurs y ont aussi remarqué, surtout dans les deux derniers actes, des morceaux faibles qu’on serait tenté d’attribuer à M. Salieri son élève, dont cet opéra est le coup d’essai. Mais le temps nous en apprendra davantage ; & l’on pourra mieux encore apprécier cette Musique dans les représentations suivantes qui vraisemblablement seront en grand nombre.

M. Gardel l’aîné a développé les plus rares talents dans les Ballets, surtout dans la Pantomime qui termine la Pièce, & qui a obtenu des applaudissements réitérés.

On a été aussi très satisfait de l’ensemble qui règne dans cet opéra, un des plus difficiles qu’il y ait eu pour la représentation, tant à cause de la diversité des machines & des décorations, que de la multitude des personnages qui paraissent sur le Théâtre. On doit surtout les plus grands éloges à M. Larrivée qui a très bien rempli le rôle de Danaüs, à Madame de S. Huberti qui a déployé, dans celui d’Hypermnestre, toute la force de son jeu dramatique, & a ravi par les sons brillants & flatteurs de sa voix ; enfin, à M. Lainez qui a été applaudi avec transport dans plusieurs parties du rôle de Lyncée.

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Compositeur

Antonio SALIERI

(1750 - 1825)

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Antonio SALIERI

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François-Louis Gand Le Bland DU ROULLET

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date de publication : 16/10/23