Théâtre du Palais-Royal. La Vie parisienne
Théâtre du Palais-Royal : La Vie parisienne, pièce en quatre actes et cinq tableaux, par MM. Henri Meilhac et Ludovic Halévy, musique de M. Jacques Offenbach.
De la fantaisie à pleines mains, des incidens d’un comique achevé, des épisodes burlesques, des plaisanteries un peu épicées et surtout cela de la musique alerte et originale comme Offenbach en sait écrire, voilà tout ce que contient la Vie parisienne.
Mais à quelle espèce de vie parisienne MM. Meilhac et Halévy ont-ils emprunté leur sujet ? me demanderez-vous. Eh ! mon dieu, il faut bien le dire ; de même que ces deux auteurs nous ont donné naguère une Grèce de fantaisie et une antiquité imaginaire, de même ils ont construit un Paris tout à fait inédit qui n’appartient pas plus à l’ancien Paris qu’au Paris récemment haussmanisé.
Le baron de Gondremark, sous les traits de Hyacinthe, est promené de cascade en cascade par le vicomte de Gardefeu qui prétend ainsi triompher des résistances de la vertueuse baronne dont la jolie demoiselle Montaland représente le personnage. L’astucieux vicomte est servi dans ses projets par une ravissante gantière, Mlle Zulma Bouffar, que le public a reçue comme une débutante qui avait déjà fait ses preuves sur d’autres scènes.
Dans le panorama qui se déroule devant les yeux du baron ahuri, on voit passer un Brésilien, un major de table d’hôte et un bottier sentimental. Ces trois rôles sont joués avec beaucoup de verve par Brasseur. Le vicomte a pour complice son ami Robinet, auquel Gil-Pérès prête le remarquable talent de comédien qui le distingue. Enfin Lassouche, dans un rôle un peu trop effacé de domestique, complète dans cette pièce le côté des hommes.
Quant aux dames, nous connaissons déjà la baronne et la gantière. Saluons maintenant la belle Metella, dont Mlle Honorine a fait un type très réussi de grande cocotte, puis la femme de chambre Pauline qui a pris le minois éveillé de Mlle Paurelle, et enfin l’ingénue un peu dégourdie à laquelle Mlle Massin a prêté ses gracieuses minauderies. Nous n’aurons garde d’oublier Mme de Quimper-Karadec, une austère Bretonne de l’ancien régime dont la puissante Mlle Thierret a fait une excellente caricature.
Quant à la musique d’Offenbach, elle sera dans quelques semaines sur tous les pianos, puis elle passera de là aux orchestres de concerts et de bal, et enfin elle alimentera dans quelques mois les orgues de Barbarie, ô barbares !
Après la prose des auteurs et la musique du maestro, il faut mentionner un luxe de costume inusité sur la scène du Palais-Royal. MMlles Zulma-Bouffar, Honorine, Montaland, Paurelle et Massin ont étalé jusqu’à trois ou quatre toilettes étourdissantes. Les hommes ont imaginé des travestissemens insensés et nous verrons sans doute, cet hiver, dans les bals masqués, plus d’un amiral suisse d’après Gil-Pérez et plus d’un Brésilien copié sur celui de Brasseur.
Somme toute donc, la Vie parisienne a été un grand succès pour tout le monde.
Soyez satisfaite, majestueuse madame Lazare, aucun solliciteur de billets de faveur ne viendra vous déranger de longtemps dans ce bureau où vous trônez depuis trente-six ans.
Tout le monde va donc être heureux au théâtre du Palais-Royal !
Ma foi, tant mieux !
Gustave Naquet.
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Jacques OFFENBACH
/Henri MEILHAC Ludovic HALÉVY
Permalien
date de publication : 24/09/23