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Un dernier mot sur Le Roi d'Ys

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UN DERNIER MOT SUR LE ROI D’YS
La première représentation

Nous ne nous étions pas trompés dans la conclusion de notre article d’hier sur le Roi d’Ys, en prédisant, d’après les sensations de la répétition générale, que l’ouvrage de M. Edouard Lalo serait l’objet d’un gros et franc succès. La première représentation a largement justifié le jugement que nous avions cru pouvoir porter à l’avance sur cette œuvre maîtresse. La soirée d’hier n’a été qu’une longue suite d’ovations dans lesquelles, après le compositeur et le librettiste, le théâtre et les artistes peuvent revendiquer une bonne part. Nous sommes heureux, en ce qui nous concerne, de ce brillant résultat, parce qu’il est une manifestation artistique de la plus haute importance et qu’il jettera un vif éclat sur la situation de l’Opéra-Comique. 

Nous avons donné une analyse détaillée du livret de M. Blau et de la partition de M. Lalo. Nous n’avons pas à revenir aujourd’hui sur ce que nous avons écrit hier. Tout s’est passé ainsi que nous l’avions dit. Le succès de l’œuvre a été tout spontané de la part du public. Toute la salle a été, pendant plus de trois heures d’horloge, tenue sous le charme de cette belle et savante musique, intéressée par le développement habile de cette légende dramatique et fortement impressionnée par une interprétation en tous points supérieure. 

C’est de cette interprétation que nous voudrions parler aujourd’hui. En première ligne, il nous faut citer Mlle Simonnet, qui est bien gracieuse et bien touchante sous les traits de la tendre Rosenn. Elle offre, avec beaucoup de simplicité, un contraste très artistique au côté farouche du personnage de sa sœur. Elle a divinement chanté, au deuxième acte, une sorte de romance d’un caractère mélodique exquis, « Un jour, il est venu comme viennent les fleurs », et le public lui a redemandé, au troisième acte, la réponse de la fiancée à son fiancé. Cette création du rôle de Rosenn a fait beaucoup d’honneur à cette jeune artiste à qui la soirée d’hier a fait faire un grand pas dans la faveur du public. 

Talazac a eu des moments très heureux, dans les passages de demi-teinte surtout, auxquels il donne de l’expression et du charme. Le rôle de Mylio comptera certainement parmi ceux qui lui auront valu le plus de succès dans le cours de sa carrière artistique. Lui, aussi, a dû bisser au troisième acte les délicieux couplets : « Je sois que ton âme est douce », écrits dans la manière de Gounod. 

Mlle Deschamps, dans le rôle de Margared, a retrouvé le succès de voix dont elle est coutumière. Mais pourquoi bat-elle toujours la mesure avec tout son corps ? L’effet de ce déhanchement continuel est vraiment disgracieux, et l’artiste fera bien de se surveiller en scène. Nous ne croyons pas que ce soit là ce qu’elle appelle vibrer. Après le duo du dernier acte, elle a été rappelée avec M. Bouvet, qui donne au personnage du prince Karnac la physionomie farouche et violente qui lui convient et dont la belle voix de baryton sonne vigoureusement dans toutes les parties de ce rôle. 

Nous félicitons encore M. Cobalet qui fait un Roi d’Ys suffisamment majestueux et M. Fournets qui est un saint Corentin plein d’onction. 

Enfin, nous devons adresser tous nos compliments à l’orchestre et à son éminent chef, M. Danbé, qui ont puissamment contribué, ainsi que les chœurs de M. Carré, au brillant résultat de cette soirée qui comptera parmi les plus belles dans l’histoire de l’Opéra-Comique. 

Édouard Noël

Voici la lettre que M. Lalo vient d’adresser à M. Danbé, le chef d’orchestre de l’Opéra-Comique : 

Mon cher Danbé, 
J’ai le devoir de vous remercier du dévouement si affectueux et du zèle si artistique, dont vous m’avez donné la preuve pendant tout le cours des représentations de mon ouvrage. 
Croyez bien que je suis vivement touché et que j’ai éprouvé une bien grande satisfaction à voir reconnaître une fois de plus par le public un talent aussi considérable que le vôtre. 
Je voudrais essayer aujourd’hui d’acquitter, si c’est possible, vis-à-vis de vous et de votre remarquable orchestre, la reste de ma dette, et je suis heureux de constater, en vous adressant à tous mes vifs remerciements et mes félicitations sincères, que je ne suis que l’écho de tous ceux qui ont assisté hier à la première du Roi d’Ys. 
Votre bien dévoué, 
Lalo.

Personnes en lien

Librettiste

Édouard NOËL

(1848 - 1926)

Compositeur

Édouard LALO

(1823 - 1892)

Chef d'orchestre, Compositeur, Violoniste

Jules DANBÉ

(1840 - 1905)

Œuvres en lien

Le Roi d’Ys

Édouard LALO

/

Édouard BLAU

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date de publication : 02/11/23