Premières représentations. Reprise de Mam’zelle Nitouche
PREMIÈRES REPRÉSENTATIONS
Variétés. – Reprise de Mam'zelle Nitouche, comédie-vaudeville en trois actes et quatre tableaux, par MM. Henri Meilhac et Albert Millaud.
C'est avec Mam'zelle Nitouche que les Variétés avaient clos leur année théâtrale ; c'est avec Mam'zelle Nitouche que les Variétés commencent leur saison nouvelle. Ce n'est pas une reprise, c'est une continuation ; et il est possible que cela dure jusqu'à l'hiver, car l'irrésistible gaieté de la pièce a triomphé ce soir d'une température tropicale.
La pièce de MM. Henri Meilhac et Albert Millaud, en sa nouveauté, avait fort amusé ; une seconde expérience n'a fait que confirmer la première. Les aventures de la pensionnaire du couvent des Hirondelles, jetée contre son gré sur les planches d'un théâtre d'opérettes et soupant avec les officiers d'un quartier de cavalerie avant de rentrer au couvent, où elle retrouve un fiancé, sont menées avec un entrain qui n'exclut pas la mesure, et le spectateur peut y rire sans arrière-pensée et sans scrupule.
Les interprètes sont les mêmes qu'au jour de la première représentation. Madame Judic n'a eu, pour recevoir de nouvelles ovations, qu'à demeurer elle-même. Je n'ai plus à louer ce talent si fin, si sûr et si pénétrant ; j'y remarque cependant un progrès dans le sens de cette simplicité absolue, qui est le dernier terme de l'art. Ecoutez et regardez madame Judic chanter les couplets de Cadet et de Babet, qu'on lui a fait redire sans fin : d'où viennent leur effet et leur valeur artistique ? Ce n'est pas des mouvements de l'actrice, immobile au milieu de la scène, ni du geste, qui est presque nul ni même de l'expression du visage, qui, si piquante qu'elle soit , ne se discerne plus guère au fond de la salle ni aux étages supérieurs ; non, tout le charme est dans une mise de voix d'une perfection et d'une délicatesse incroyables ; on dirait que les cordes vocales sont touchées par un archet doué d'une ténuité aérienne en même temps que d'une puissance de vibration qui sembleraient s'exclure.
Du reste, on a bissé, trissé et quadrissé tous les morceaux de madame Judic, y compris la nouvelle chanson de la Cuirasse, écrite par M. Hervé, et dont le principal mérite est de rappeler de très près sa fameuse chanson du Colonel.
M. Cooper chante et joue fort agréablement le rôle de l'amoureux lieutenant Champlâtreux.
Quant à MM. Christian, Léonce et Baron, ils ont fait de leurs personnages du major comte de Champgibus, du brigadier Loriot et de l'organiste Célestin dit Floridor des types achevés de haute folie. Le tableau de la caserne, qui, dans la nouveauté, n'avait pas beaucoup plu est transformé par eux en une des farces les plus extraordinairement plaisantes qu'on puisse imaginer. M. Baron montant la garde avec les mouvements de la grenouille qui nage dans un aquarium, M. Léonce caressant son ivresse avec l'éventail de la chanteuse Nitouche, et M. Christian mettant tout l'escadron au bloc pour détendre ses nerfs, sont des types inoubliables qui reculent les bornes de la bouffonnerie.
La salle était comble ; elle a rappelé tous les acteurs d'acte en acte, surtout Madame Judic, et elle a fait à la pièce de MM. Meilhac et Albert Millaud un succès qui sera certainement de très longue durée.
Auguste Vitu.
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date de publication : 25/09/23