Séance annuelle de l'Académie royale des Beaux-arts
SEANCE ANNUELLE DE L’ACADEMIE ROYALE DES BEAUX-ARTS.
L’Académie royale des beaux-arts a tenu, le samedi 2 octobre, sous la présidence de M. Garnier, sa séance annuelle. Cette solennité avait comme d’habitude, réuni au palais de l’Institut, une société brillante et choisie d’artistes, d’hommes de lettres, d’amis des arts et de femmes belles et élégantes. La séance a commencé par l’exécution d’une ouverture de la composition de M. Besozzi, pensionnaire du roi à Rome, lauréat de l’année 1837. Cette œuvre instrumentale témoigne de fortes études et d’un goût sérieux. La première partie renferme quelques-uns des effets d’orchestre auxquels se complaisait le génie mélancolique de Weber, effets dus à une combinaison harmonique des notes graves des instruments à vent et dont le caractère sombre et mystérieux a encore si vivement impressionné naguère à la reprise de Freyschutz. Dans la seconde partie, le motif principal est grandiose, entraînant ; il a seulement le tort de rappeler par le rythme et le choix des instruments, l’éclatante et sublime péroraison du dernier morceau de la symphonie en ut mineur de Beethoven. Il est facile de reconnaître que M. Besozzi a aussi beaucoup lu et médité les partitions de Meyerbeer ; la manière d’instrumenter de ce maître est encore l’objet de nombreuses imitations dans son ouverture. M. Besozzi est dans une bonne voie : il écrit la musique instrumentale dans un grand style ; il est resté fidèle, en Italie, aux traditions de la seule grande et belle école symphonique, l’école allemande. Comme tous les hommes d’avenir, il a déposé dans ses premières œuvres l’empreinte des études consciencieuses et pieuses en quelque sorte, des maîtres ses prédécesseurs. C’est ainsi qu’ont procédé Mozart et Beethoven ; les symphonies de la jeunesse de Beethoven appartiennent au goût et au style des dernières de Mozart, de même que les premières œuvres instrumentales de Mozart reproduisent le dernier faire de celles de Haydn. Il est sans doute inutile de rappeler à M. Besozzi que ces premiers ouvrages des maîtres, dans lesquels les traces de leurs études et de leurs modèles étaient si sensibles, ne tardèrent pas à être suivis de compositions où ils s’affranchirent des conditions d’une trop servile imitation, pour instituer à leur tour leur manière propre, affirmer leurs convictions personnelles, faire preuve enfin de génie, c’est-à-dire d’originalité. C’est à cette phase ultérieure de sa carrière que nous attendons M. Besozzi, aujourd’hui élève digne d’intérêt et d’encouragement. Les envois de musique ont pourtant le moins à se plaindre : ils ont été les moins maltraités ; voici à peu près dans quels termes le rapport s’exprime à leur égard : « L’envoi se compose de musique sacrée et de musique dramatique, due à deux de nos pensionnaires compositeurs, MM. Gounod et Bousquet. M. Gounod a envoyé un Te Deum à deux chœurs, à huit et dix voix réelles, sans accompagnement. Ce jeune musicien a eu la louable intention de lutter avec Palestrina ; mais la tentative n’a pas été heureuse. Son travail dénote un certain système, un parti pris de sacrifier les règles essentielles de la composition au désir d’obtenir des effets. C’est une direction que l’Académie ne saurait approuver. En la suivant, on viole les règles de l’art, ce qui est toujours une faute, et on manque les effets qui en sont le prétexte et qui en seraient à peine l’excuse. M. Bousquet a fait preuve d’un zèle digne d’éloges en composant une messe solennelle qui a déjà été exécutée à Rome, à l’église de Saint-Louis-des-Français, un acte d’opéra seria et un fragment d’opéra. Ces ouvrages sont écrits avec pureté et élégance, ce qui n’est pas un mérite ordinaire dans un temps où il est si commun en musique comme en autre chose de prendre la bizarrerie pour l’originalité. Nous l’engageons cependant à se défier de sa facilité. » Après cette interminable lecture, accompagnée dans sa dernière partie des fréquents murmures du public, M. le secrétaire perpétuel a, aux applaudissements de tout l’auditoire, donné aux musiciens chargés de l’exécution de la cantate, le signal si impatiemment attendu. La scène lyrique proposée cette année au concours de composition musicale avait pour sujet la mort de Lionel de Foscari : elle a été écrite par l’un des membres de l’Académie des beaux-arts, M. marquis de Pastoret. L’œuvre de M. Maillard (premier grand prix) ne se distingue pas par les qualités théâtrales, extérieures, si je puis parler ainsi, qui donnèrent l’an dernier tant d’éclat à l’exécution de Loyse de Montfort, de M. Bazin ; mais elle renferme des beautés réelles et solides. La pensée y apparaît toujours franche et claire ; elle nous a paru même pleine de distinction et d’élégance ; rarement avons-nous regretté de la trouver associée à des formes négligées ou vulgaires. Ainsi, à l’exception du trio sans accompagnement, dont le dessin est mal arrêté, nous devons reconnaître et louer le jet pur et facile des mélodies, et le bon effet des expositions instrumentales ou des accompagnements de tous les autres morceaux de la cantate. La gravité et la sévérité du jury devant lequel cet ouvrage était destiné à comparaître a sans doute contenu la fougue dont l’expansion exagérée même est si naturelle à l’âge du lauréat. Dans d’autres circonstances où son inspiration plus libre aura moins à redouter les écarts d’une imagination vivement surexcitée, nous aimons à penser que l’on trouvera dans les compositions de M. Maillard un peu plus de mouvement et d’originalité. De nombreux applaudissements ont suivi l’exécution de la cantate, fort bien chantée, du reste, par MM. Marié et Alizard, et Mlle Elian.
Hippolyte PREVOST.
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date de publication : 21/09/23