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Le Vaisseau fantôme de Dietsch

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Il existe, dans les contes fantastiques de Grutzen, écrivain irlandais, dont le nom est à peu près inconnu en France, une légende que les marins savent par cœur, légende poétique comme un conte d’Hoffmann, et qui a fourni au capitaine Marryat l’idée et les scènes d’un de ses romans les plus pittoresques, the Fantôme-Ship. Partant de ce principe, qu’il vaut mieux emprunter aux autres qu’à soi-même, M. Paul Foucher a pris d’une main la légende de Grutzen, de l’autre, le roman du capitaine Marryat ; il a détaché une ou deux scènes du Pirate de Cooper, et il s’est mis en route, avec ces bagages, vers cette mer sombre, profonde et couverte d’écueils, qui commence à ne plus mériter le nom d’Académie royale de musique.

Le temps est frais, l’Océan est calme, les étoiles se promènent dans le ciel ; les barques, les gondoles, les bateaux, les vaisseaux sont pavoisés de mille couleurs ; c’est jour de fête. Le public s’embarque pour une petite traversée qui ne dure pas moins de quatre à cinq mois. Nous passons sur les accidents du voyage, et d’un trait de plume nous nous trouvons transportés dans l’île de Shetland. Qu’allons-nous voir dans cette île de Shetland ? Il doit s’y passer des choses bien intéressantes, car, vous le savez, M. le directeur de l’Opéra vous a annoncé, dans une réclame écrite de sa propre main, que le Vaisseau-Fantôme faisait partie de cette longue liste de chefs-d’œuvre qu’il se propose d’offrir à l’admiration du public dans l’année 1842-1843. Or, vous pensez qu’on a foi aux promesses de M. Léon Pillet, et voilà pourquoi la foule s’est portée à une fête annoncée avec tant de pompe dans l’île de Shetland, une belle île, certes ! faite de carton, de petites planches de bois, et toute éclairée avec de l’huile qui n’exhale pas les plus doux parfums. On est économe, sans doute, dans l’île de Shetland, mais ceci ne nous regarde pas.

[résumé de l’intrigue sur le même ton]

Et la musique ? – Oh ! la musique, c’est bien différent ! Elle est profonde et savante !... – Et puis ? – Elle est correcte !... – Et puis ?- Elle joue un grand rôle ! – Et puis ? – Elle est forte, lorsque les chœurs chantent surtout ! – Et puis ? – Oh ! ne demandez pas l’impossible, puisque je vous dis qu’elle est profonde, savante, correcte et forte : que voulez-vous encore ? – Vous nous dites bien ce qu’elle est, mais vous oubliez de nous dire ce qu’elle n’est pas : expliquez-vous donc ! – D’abord, elle n’est pas très originale ; et puis, elle n’est pas très gaie ; et puis, elle n’est ni trop gracieuse ni trop dramatique : êtes-vous satisfait ? – Résumez-vous. – La musique du fantôme est un œuvre [sic] de conscience fort remarquablement écrit, et qui ferait honneur à un professeur de contre-point ; mais le feu sacré, ce qu’en terme vulgaire on appelle l’inspiration, a fait défaut au compositeur. C’est un premier ouvrage, il est vrai ; et il faut tenir compte à M. Dietsch de s’être tiré avec habileté d’un poème aussi ingrat et aussi vide d’idées dramatiques.

L’ouverture n’est pas très saillante. Deux ou trois motifs, un, entre autres, assez mélodiques et assez gracieux, dit par les violoncelles, quelques coups de grosse caisse, plusieurs sorties de batteries de cuivre, composent cette préface de la pièce. Le premier chœur est monotone et ressemble trop à une psalmodie d’église. La ballade a une légère teinte de celle de la Dame blanche ; l’accompagnement en est un peu lourd. Le chœur qui reprend le motif a de la puissance et de la couleur ; nous engageons M. Dietsch à supprimer un couplet de cette ballade. Le duettino : Nos beaux jours d’enfance est léger et ne manque pas d’élégance ; c’est un morceau bien fait. Vient ensuite un air de Mme Dorus : Mon Dieu ! laisse reprendre haleine, parfaitement traité ; mais sombre et trop uniforme de couleur comme, du reste, toutes les parties de l’ouvrage. Puis un allegro, chanté admirablement par Mme Dorus, et dans lequel la cantatrice a introduit une multitude de roulades, de trilles, d’appogiatures merveilleusement exécutés.

On a applaudi un chœur ou plutôt deux chœurs parfaitement rhythmés et très vigoureux. Ici le compositeur a saisi la situation. Le chant des pirates et celui des habitants de l’île, entremêlant leurs voix, offre un contraste bizarre et plein d’animation.

Le cantabile du duo dit par Troil (Canaple), ressemble à beaucoup de choses ; chanté par Barroilhet, il aurait eu pourtant du succès ; mais que diable M. Canaple allait-il faire dans cette galère ? nous ne connaissons rien de plus désagréable à entendre et à voir que M. Canaple.

Dans le 2e acte, nous trouvons une cavatine de Mme Dorus, encore un duo, puis un quintette, puis un chœur final. Tout cela est traité fort habilement ; c’est tout ce qu’on peut en dire.

Mme Dorus a eu les honneurs de la soirée ; cette cantatrice est plus étonnante que jamais ; le public l’a vengée noblement, par ses bravos et ses applaudissements, de tous les ennuis que lui cause la domination de Mme Stoltz. Marié a eu de très bons moments. Canaple a été insupportable. Les chœurs ont assez bien manœuvré. L’orchestre a fait de son mieux, mais il n’a pas été tout-à-fait bien. On a remarqué une assez belle décoration représentant la mer dans son immensité. Et voilà !

Escudier.

Personnes en lien

Chef d'orchestre, Compositeur

Pierre-Louis DIETSCH

(1808 - 1865)

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Le Vaisseau fantôme

Pierre-Louis DIETSCH

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Paul FOUCHER Bénédict-Henry REVOIL

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date de publication : 21/09/23