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Courrier des spectacles. Ali-Baba à Bruxelles

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Date de publication :

Courrier des spectacles.

De Bruxelles, vendredi minuit, par téléphone :

L’Alhambra a donné, ce soir, la première représentation d’Ali-Baba, opéra-comique en quatre actes et dix tableaux, paroles de Mm. Albert Vanloo et William Busnach, musique de M. Charles Lecocq.

Taillé dans le conte merveilleux des Mille et une nuits, le livret de MM. Vanloo et Busnach est intéressant, d’un bout à l’autre, et le développement de l’action se suit clairement, malgré les épisodes nombreux qui servent de prétextes à des somptuosités de mise en scène.

Les couplets de MM. Vanloo et Busnach, couplets nombreux qui émaillent le livret à chaque scène, ceux surtout chantés par Ali-Baba, Morgiane et Zobéide sont joliment troussés. Il en est de même de ceux du « Petit bois d’orangers », faits exprès pour Mme Duparc.

Il est inutile de louer l’effort des grandes scènes, comme celle de la caverne des voleurs, l’arrangement merveilleux du ballet, œuvre de Mme Mariquita ; la musique en est d’ailleurs charmante d’un bout à l’autre.

La partition renferme vingt-quatre morceaux, tous réussis. Ce n’est plus du Lecocq d’opérette, mais du Lecocq de bon opéra-comique.

L’orchestration, qui dans les œuvres de l’auteur de La Fille de Madame Angot a toujours été extrêmement soignée, est on ne peut plus remarquable dans la partition d’Ali-Baba, par ses timbres originaux et ses variétés instrumentales.

Au premier tableau, nous notons un petit duo chanté par Morgiane (Mme Simon-Girard), et Saladin (Larbaudière) : « Voyons, qu’avez-vous à me dire ? » d’une finesse exquise ; les couplets du Pinson de Zobéide (Mme Duparc) ; le trio d’entrée d’Ali-Baba (Dechesne), d’une allure très large, est la première des grandes pages de l’œuvre, et termine magistralement le premier tableau.

Au second tableau, la Forêt, il y a à remarquer un air d’Ali-Baba, exhalant ses peines. Le pauvre Ali va se suicider, quand Morgiane vient lui rappeler une chanson d’enfance, bien faite pour dissiper ses idées noires. Ce second tableau se termine par la marche mystérieuse des Quarante Voleurs.

Au troisième tableau, nous assistons à la vente du mobilier d’Ali-Baba ; il ne renferme qu’un chœur d’acheteurs et un finale très réussi tant au point de vue vocal qu’orchestral ; ce finale renferme quelques mesures de chœur à l’unisson, chanté par six vieux Turcs, d’un effet très original. Citons encore les couplets de Morgiane, Vous allez et j’en suis fière et la strette chantée par Ali-Baba, qui termine brillamment ce premier acte.

Le quatrième tableau ne renferme guère que deux morceaux, les couplets de Zobéide « Vous souvient-il du petit bois ? » et le récit d’Ali, racontant sa visite à la Caverne des voleurs, traité en style de ballade.

Au cinquième tableau, nous sommes dans la Caverne. Une des plus belles pages est le duo-bouffe de la transfiguration de Cassim (Mesmacker), par Zizi (Simon-Max), vrai pastiche ancien.

Un joli finale, très délicat, « Bayadères légères », amène le ballet qui ne compte pas moins de dix morceaux, parmi lesquels il faut citer un pas de guerriers, d’une allure étonnante ; une bamboula dansée par des enfants ; un adagio avec violoncelle-solo ; une valse lente et un finale avec chœur des plus entrainants. Tous ces airs ont vraiment un caractère varié et une distinction soutenue, que n’ont pas toujours les flons flons de la musique de danse. Dans l’adagio surtout, Lecocq s’est surpassé comme symphoniste.

Au sixième tableau : le marché de Bagdad, il y a à signaler tout particulièrement la chanson arabe « Fatma, ma bien-aimée ».

Le finale est, comme le ballet, un morceau capital de la partition. Le muezzin chante, du haut d’un minaret : « Du jour s’éteint la lumière », avec accompagnement d’un chœur de voleurs prosternés, la face contre terre. Une patrouille turque défile aussitôt après. Lorsqu’elle repasse, elle est accompagnée à son tour par le chant sacré du muezzin. L’effet est saisissant.

Il nous reste à citer, dans les tableaux suivants, les strophes touchantes de Morgiane : « Petite lampe nuptiale » ; la romance d’Ali-Baba « Jamais je ne vis plus beaux yeux », et le chœur très originale des voleurs cachés dans les outres, qui chantent, d’abord, en passant la tête hors des outres, et ensuite à l’intérieur, produisant ainsi un effet des plus curieux.

En résumé, la partition d’Ali-Baba est une des plus belles qui aient vu le jour en ces dernières années. Salle bondée et très enthousiaste. Grand succès pour le théâtre, les auteurs et les interprètes. Ali-Baba tiendra longtemps l’affiche de l’Alhambra.

Personnes en lien

Compositeur

Charles LECOCQ

(1832 - 1918)

Œuvres en lien

Ali-Baba

Charles LECOCQ

/

William BUSNACH Albert VANLOO

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date de publication : 26/09/23