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Musique / La Soirée parisienne. Cendrillon

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MUSIQUE
Opéra-Comique. –Cendrillon.

Il faut que je vous dise tout d’abord que M. Carvalho est un grand seigneur. Il ressemble à ces rois très anciens qui habillaient les pauvres les plus vieux des manteaux les plus riches. Il a donné à la vieille et démodée Cendrillon de Nicolo un vêtement que lui envierait plus d’une princesse moderne. L’or, l’argent, le velours, le brocart, les pierreries, les escarboucles, les fleurs, tout ce qui pare, tout ce qui agrippe le regard, a inondé sa scène. Le trésor de plusieurs nababs semble avoir été vidé par ce phénix des directeurs parisiens au profit des yeux du public. Le spectacle est splendide, trop splendide même ou trop opulent. Il est capable de charmer jusqu’aux banquiers.

La musique de Nicolo date de 1810. Ce n’est pas moi qui oserai vous dire qu’elle porte mal son âge, mais le fait est qu’elle le porte. Elle a toutes les grâces d’une aïeule qui a été jeune, mais une monotonie qui la fait tourner à ta complainte. C’est charmant ! disent les uns. – C’est rétrospectif ! disent les autres. Mettons que ce rétrospectif est charmant, et n’en parlons plus.

Çà et là, quelques phrases mélodiques d’une fraîcheur tout à fait printanière se détachent pourtant sur le tond un peu suranné de cette œuvre. Le rôle de Cendrillon est empreint d’un caractère élégiaque souvent fort délicat, souvent aussi mièvre et fade. Les autres rôles ne doivent musicalement pas compter. Ils se composent de nombreux morceaux de sentiment ou de bravoure qui coulent à l’oreille comme une eau claire, sans que jamais le moindre caillou vous arrête. Impossible de crier : « Oh ! » ni « Ah ! » C’est on ne peut plus académique. 

Cette honnête pièce, d’une simplicité toute primitive, a été montée avec beaucoup de soin et d’honnêteté, mais sans aucune simplicité – heureusement !

M. Carvalho a mis au service de Cendrillon l’élite de ses interprètes, et la grande Carvalho, l’étoile du chant français, a certainement surveillé les répétitions. La représentation marche donc à merveille. Les chanteurs valent mieux encore que les costumes, qui valent mieux que les décors, lesquels (à mon sens) valent mieux que la partition.

Mlle Julia Potel, l’héroïne à la pantoufle, a la voix fine et fragile comme le pied qu’elle doit avoir et qu’elle a. Elle la conduit avec un art délicieux et joue la comédie comme Céline Chaumont. Ses grands yeux, sa taille de guêpe, ses airs mutins et doux lui ont gagné bien des suffrages. Ah si sa voix était mieux timbrée !

Celle de Mme Franck-Duvernoy est très exercée, alerte, d’un pur métal. J’ai remarqué son point d’orgue de l’air du second acte. Voilà qui est chanter et vocaliser !

Le prince est M. Nicot. Il a de la tenue et de jolies notes plein la gorge, surtout dans la demi-teinte. Le malheur est qu’il se force, ce qui ne veut pas dire qu’il s’échauffe, et il glisse à côté du ton. Je lui conseille d’user de prudence : son organe en vaut la peine.

À M. Villars, je n’ai pas à souhaiter une bonne méthode il la possède mais plus de fermeté dans l’émission. Il phrase avec goût, mais parfois mollement. Il s’écoute trop chanter il est mauvais qu’un baryton fasse de sa propre voix, si brillante soit-elle, un miroir de Narcisse. 

MM. Legrand et Thierry tiennent avec talent deux rôles épisodiques. L’ensemble est, comme on voit, excellent.

J’allais oublier le grand ballet des Saisons intercalé dans le second acte et réglé par Mlle Louise Marquet, sur de vieux airs de Lulli, de Destouches, de Desmarets et des autres maîtres du dix-septième siècle. On peut voir là l’intelligente et luxueuse restitution d’une fête à la cour du Grand Roi. Le coup d’œil est féerique et les danses sont pleines de verve et de piquant. Le public a fait bisser la gavotte de Lulli, jouée admirablement par le quatuor de l’orchestre.

Si je ne me trompe, le ballet des Saisons sera le great attraction de cette reprise à laquelle je désire long succès. M. Carvalho en use royalement avec l’ancien répertoire. Que fera-t-il donc quand il montera des pièces nouvelles ? Attendons-nous à des éblouissements. 

GEORGES. 

La Soirée parisienne
Reprise de Cendrillon à l’Opéra-Comique

On ne dira plus que M. Carvalho ne s’attache pas à reconstituer le répertoire de l’Opéra-Comique : il vient de remettre à la scène une des pièces les plus populaires de Nicolo Isouard, qui ne date rien moins que de 1810.

Un opéra-comique en deux actes avait déjà été représenté à l’Opéra-Comique (Foire Saint-Germain), sous le titre de Cendrillon, le 21 février 1759. Les paroles étaient d’Anseaume, la musique de Laruette.

1810 fut l’année des Cendrillons : on en joua sur tous les théâtres de Paris : à l’Odéon, la Nouvelle Cendrillon, de MM. René Perrin et Rougemont ; au Vaudeville deux : la Cendrillon des Écoles, de MM. Chazet et Dubois, et les Six Pantouffles de Cendrillon, de MM. Dartois et Dupin ; à la Gaité : la Fête de Perrault, ou l’Horoscope des Cendrillons, de MM. Dubois et Brazier ; à la Porte-Saint-Martin : Arlequin-Cendrillon, de M. Hapdé ; au théâtre des Jeux-Forains : la Famille des Cendrillons de M. Simon ; au théâtre des Variétés : la Chatte merveilleuse, dans laquelle Cendrillon tenait le principal rôle ; à l’Opéra-Comique, enfin, Cendrillon, de Nicolo Isouard.

Depuis, le conte de Perrault nous a encore valu d’innombrables Cendrillons : une féérie au Châtelet, de MM. Clairville et Blum ; la Cendrillon de Théodore Barrière, créée au Gymnase, puis reprise à l’Odéon ; une autre Cendrillon au Théâtre-Miniature, et, l’an dernier, au Cirque d’hiver, une pantomime jouée par toute une troupe d’enfants, comme le fut jadis, du reste, encore, une Cendrillon que j’oubliai au Théâtre-Comte.

Que de moutures tirées du même sac ! […]

Parisine

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date de publication : 26/09/23