Sémiramis de Catel
Sémiramis. – Les citoyens Catel & Rolland
En voyant l’annonce d’un double début, la cabale comptait sur une double chute ; elle a reçu un double affront.
Nous n’analyserons pas cet opéra ; il est calqué sur la tragédie de Sémiramis que tout le monde connaît ou doit connaître.
Sans doute il nous serait facile de critiquer certaines transpositions de scènes, quelques défauts de développements, une ou deux inconvenances & surtout les vers en manière d’alliage qu’on a coulé assez indiscrètement dans la belle poésie de Voltaire. Mais cette critique ne serait pas utile ; elle serait même sans intérêt.
La pièce marche-t-elle rapidement ? offre-t-elle des situations ? Les décorations sont-elles belles ? Les costumes sont-ils riches ? Que pense-t-on de la musique ? Le maître des ballets s’est-il distingué ? Vestris & Mme Gardel dansent-ils ? Enfin, est-ce un beau spectacle ? Telles sont les questions qu’on se fait dans le monde avant de songer qu’il y a des paroles sous la musique d’un opéra, & que ces paroles doivent être en vers.
Parlons d’abord de ce qui concerne le citoyen Catel.
Au dire des connaisseurs, l’ouverture est écrite d’un style ferme & large ; mais nous, qui ne sommes pas initiés dans les mystères de cet idiome, nous dirons tout bonnement que cette ouverture nous a paru très harmonieuse, & qu’elle a produit un grand effet. Le premier air d’Azémia a de la grâce ; la marche triomphale d’Arsace est d’un si beau caractère, qu’elle n’eût point fait disparate dans un des chefs-d’œuvre de Gluck ; en un mot, tout le premier acte est digne de l’enthousiasme qu’il a inspiré ; mais quelques effets dramatiques nous ont paru manqués dans le second. Ce vers, qui est toujours applaudi au Théâtre Français,
J’y cours de ce pas même, & vous m’enhardissez.
indiquait une forte transition dans le récitatif ; le compositeur n’a pas voulu en tirer parti. On pourrait en dire autant de la scène solennelle où Sémiramis prononce cet autre vers :
Ce héros, ce vainqueur, cet époux… est Arsace…
L’orchestre décèle bien alors l’intention d’exprimer la surprise, mais en préparant mieux cet effet on pouvait le rendre plus frappant ; le chœur des conjurés, au second acte, est plein de verve & suffit pour donner une haute idée du compositeur ; enfin, on s’accorde à dire du citoyen Catel qu’il possède au plus haut degré la théorie de son art. Il ne lui manque plus, peut-être, que de s’abandonner aux élans de son imagination.
Passons au citoyen Rolland.
Quoiqu’il soit assez hasardeux de juger un chanteur d’après l’effet qu’il produit à son début, nous ne dissimulerons pas les grandes espérances que nous donne ce jeune homme. […]
Au mérite de la musique se joint la beauté des décorations, des costumes & des ballets. La danse des sauvages a excité une sorte d’enthousiasme, ainsi que le pas de trois, exécuté par Vestris, & par Mmes Gardel & Chameroy.
L’indisposition subite de Mlle Maillard ayant retardé jusqu’à ce jour la 2e représentation de ce bel opéra, on a profité de l’intervalle pour faire de nouveaux changements au 3eacte ; ils doivent produire le meilleur effet.
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Charles-Simon CATEL
/Philippe DESRIAUX
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date de publication : 21/09/23