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Cendrillon d’Isouard

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Nous ne devions revenir sur le chapitre de Cendrillon, qu’après avoir mieux vu & mieux entendu cette nouvelle production de MM. Etienne & Nicolo ; mais, forcés d’opter aujourd’hui entre la 2e représentation d’un opéra-féérie, & la 1re d’une tragédie nationale, nous n’avons pas eu à balancer. Brunchaut l’a emporté sur Cendrillon ; cependant, pour ne pas faire attendre trop longtemps à nos abonnés l’article que nous leur avons promis sur la plus petite de ces pièces, nous allons mettre en ordre quelques notes d’un de nos correspondans, qui du moins parlé de visu, & sans doute bona fide.

« Vous connoissez (vous, votre femme & vos enfans) le joli conte de Cendrillon. Toutes les pièces dont il a fourni le sujet ont complètement réussi, depuis la Cendrillon d’Anseaume & de Laruette, jouée en 1759, jusqu’à l’École des Mères de M. Desfontaines. Celle de M. Etienne n’a pas eu moins de succès ; la fable en est peut-être moins intéressante, mais le spectacle & les accessoires sont plus séduisans. Vous ne me demandez surement pas l’analyse de cette dernière pièce ; il me suffira de vous indiquer les changemens un peu sensibles que l’auteur a cru devoir faire au sujet.

Sa Cendrillon est fille d’un gentilhomme, le baron de Montefiascone. Ce n’est pas une fée qui la protège ; c’est un vieillard, un sage, un magicien, qui est instituteur du roi, & qui se présente d’abord aux trois sœurs, sous les habits d’un pauvre mendiant. Le roi, qui veut être aimé pour lui-même, se déguise en simple écuyer, & le personnage que les trois sœurs prennent pour le monarque, celui à qui les deux aînées s’efforcent de plaire, n’est qu’une espèce de mannequin, un sénéchal sot & burlesque, que le roi a mis sur le trône, pour y jouer un moment de comédie.

Une rose donnée à Cendrillon par le sage Alidor (c’est le nom du magicien), sert de talisman à cette aimable fille, pour paroître belle, spirituelle, en un mot, pour se faire adorer de toute la cour. Le faux roi veut en vain lui plaire, elle n’aime & n’aimera jamais que le bel écuyer ; on la presse d’accepter la couronne ; effrayée d’un honneur qui la forceroit de renoncer à ses innocentes amours, elle fuit avec précipitation, & perd en fuyant la célèbre pantoufle de verre, qu’elle seule pouvoit chausser. Le reste se devine. C’est à peu de chose près le dénouement du conte.

Pourquoi un magicien au lieu de la fée ? L’effet dramatique de ce changement suffit-il pour le justifier ? Des personnes scrupuleuses ont déjà dit non ; quant au public, rien ne lui est plus indifférent, il ne blâmeroit l’innovation que dans le cas où elle nuiroit à l’intérêt de l’ouvrage, & l’ouvrage ne s’en ressent pas.

Le rôle de Cendrillon est bien tracé ; il a de la grâce & un caractère d’ingénuité qui ne pouvoient manquer de plaire ; mais tous les autres rôles lui sont cruellement sacrifiés.

Le stratagème du Roi, qui met un imbécile sur le trône & se fait passer pour un simple écuyer, dans le dessein d’éprouver les cœurs, est un de nos plus vieux moyens de comédie. C’est le sujet des Jeux de l’Amour & du Hasard, & l’on est forcé d’avouer que le Roi de M. Etienne entre beaucoup moins dans l’action, inspire beaucoup moins d’intérêt que le Dorante de Marivaux. D’ailleurs, la rivalité que ce monarque établit entre lui & le plus bête des sénéchaux, n’est pas trop digne d’une âme royale ; les résultats en sont peu satisfaisans, par la vieille raison :

Qu’à vaincre sans péril on triomphe sans gloire.

Il y auroit eu beaucoup de mérite à faire du faux roi, un personnage spirituel dont toutes les coquettes de la cour auroient raffolé, excepté l’aimable Cendrillon. L’intérêt de la situation auroit du moins été en raison du danger couru par le véritable monarque. Il y a quelque chose de semblable dans la Revanche (de M. Roger), mais l’auteur de cette dernière pièce a plus courageusement abordé la difficulté.

La jalousie des deux sœurs aînées est aussi trop uniforme ; le fond du dialogue n’est pas très-comique ; mais l’auteur y a semé de fort jolis mots qui, pour être un peu apprêtés, n’en paroissent guère moins piquans. Du reste, si l’intérêt essentiel du sujet est un peu affaiblit par les distractions que cause l’éclat du spectacle, cet éclat ne sauroit être plus vif, & en dernier résultat, le public admet la compensation.

La musique mérite de plaire ; elle se compose de motifs agréables, de très-heureuses réminiscences, d’emprunts habilement déguisés, les accompagnemens sont enjolivés dans le goût le plus moderne ; c’est, en un mot, un charmant ouvrage de marqueterie. Le premier duo que chantent Mmes Duret & Regnault, n’a d’autre mérite que de donner lieu à une espèce d’assaut entre ces deux grandes cantatrices. Le second, chanté par les mêmes, est beaucoup meilleur, ainsi que celui du Roi & de Cendrillon. La romance de Mlle Alexandrine Saint-Aubin a fait grand plaisir. On peut prédire qu’elle aura la vogue. Quant aux chœurs, c’est la partie foible de l’ouvrage.

On ne peut donner trop d’éloges à la jeune & jolie actrice qui remplit le rôle de Cendrillon. Elle joue, chante & danse de la manière la plus séduisante. On en doit aussi beaucoup à Mmes Duret & Regnault, ainsi qu’à Solié, Lesage, Paul et Juliet. »

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Compositeur, Éditeur

Nicolò ISOUARD

(1773 - 1818)

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Cendrillon

Nicolò ISOUARD

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Charles-Guillaume ÉTIENNE

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date de publication : 21/09/23