Audition des envois de Rome
Le programme de l’audition des envois de Rome dans la salle du Conservatoire national de musique, se composait d’une Symphonie en quatre parties, de M. André Wormser, grand prix de composition musicale de 1875 ; d’un air varié pour instruments à cordes, et d’un psaume avec chœurs, par M. Gaston Salvayre, grand prix de 1872.
On peut se demander ce qu’ont fait les pensionnaires de la Villa Médicis, des années intermédiaires entre 1872 et 1875 ; peut-être aussi ce qu’a fait le grand prix de 1876. N’ont-ils rien fait, rien envoyé, ou leur envoi n’est-il pas arrivé dans les délais fixés par le règlement ? Toujours est-il qu’il a fallu demander deux travaux à un musicien dont le prix date de cinq ans, sous peine de convoquer le public à n’entendre que la symphonie du lauréat de 1875.
Il nous semble que Messieurs les élèves de composition musicale en prennent à leur aise, et répondent assez mal aux sacrifices que l’État fait chaque année pour les envoyer et les entretenir à ses frais dans la Ville éternelle, - ou ailleurs, - afin qu’ils puissent achever leurs études. Les élèves de peinture et de sculpture, d’architecture et de gravure se montrent, d’ordinaire, plus zélés, plus reconnaissants et plus respectueux des règlements.
La symphonie de M. Wormser révèle les études sérieuses que cet élève a faites de l’harmonie. Il débute par une œuvre importante, et, comme elle est louable, son succès en grandit d’autant. Son allegretto con fuoco est sagement conçu et remarquablement développé. Il fait un bel exposé à la composition musicale. L’adagio qui le précède charme davantage, et le menuet est complètement réussi. C’est le nocturne qui a le plus captivé l’auditoire. Il est ravissant. Malgré des phrases initiales qui ne paraissent pas avoir le développement exigé, le finale est bien agencé ; son tort est de venir après le beau menuet ; mais c’est sa condition de finale qui le veut ainsi. Nous l’aurions volontiers redemandé, non pas parce qu’il a eu plus de succès, mais pour le mieux comprendre. Et peut-être aussi, exécuté de nouveau, il l’eût été d’une façon plus parfaite. Quoi qu’il en soit, la symphonie de M. Wormser est l’œuvre d’un élève avec lequel il faut compter. Encouragé qu’il a été par les applaudissements du public, il peut nous faire entendre l’oratorio qu’il a dans ses cartons, car M. Wormser est un rude travailleur.
L’air varié pour instruments à cordes, de l’auteur du Bravo et du Fandango (ah ! ce n’est pas un élève celui-là), est une œuvre tout à la fois gracieuse et magistrale.
Le public en a redemandé, à l’unanimité, une page, et l’eut redemandé tout entier. C’est d’un goût exquis.
Mais le morceau auquel l’auteur a sans doute attaché le plus d’amour-propre, est le psaume avec orchestre et chœurs, presque un oratorio. Il débute d’une façon lente et grave, et aboutit à un chœur rythmé, dont la phrase mélodique grandit, se développe avec ampleur, et enclave un dessin chromatique, que les ténors font valoir admirablement.
La prière qui suit est peut-être la plus belle page de cette petite partition. Le style en est clair ; le caractère, éminemment religieux. Un grand chœur lui succède où l’élément dramatique joue un notable rôle. Ensuite le Dominus Israel speravit tonne dans un grand ensemble et va aboutir à la belle page finale Qui timent Dominum, d’un effet irrésistible.
L’orchestre dirigé par M. Deldevez et les chœurs de M. Cohen ont interprété d’une façon irréprochable l’œuvre de celui qu’on a tort de nous présenter encore comme un élève, même lauréat, de composition musicale. Entre le grand prix de 1872 et l’audition du Conservatoire, il y a eu le Bravo et le Fandango, sans compter tout ce qu’il a fait entendre aux concerts du Châtelet. M. De Thémines.
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date de publication : 12/07/23