Lettres de Charles Gounod à Théodore Salomé (1871-1876)

© fonds Lafond.

La première lettre est une recommandation auprès du curé de la Trinité suite au décès de l'organiste Alexis Chauvet.

*

Londres – 13 mai 1871

Monsieur Le Curé,

J'apprends à Londres, à l’instant même, par un de mes amis, la mort du pauvre Chauvet, organiste du grand orgue de votre paroisse ! C’est une grande perte ! Il y a peu de Chauvet, malheureusement !

Mais, j’apprends en même temps que sa place va être donnée à un organiste Belge dont on ne me dit pas le nom. Je suis bien aise même de ne pas le savoir, afin de vous dire plus librement, cher Monsieur Le Curé, combien il me semble regrettable qu’au milieu de tant de douleurs françaises on ait jeté les yeux sur un étranger quand on avait là, chez soi, sous la main, un vrai talent, le jeune Salomé qui devrait tout naturellement passer du petit au grand orgue qu’il aurait tenu d’une manière digne de son prédécesseur !

Dieu me garde, cher Monsieur Le Curé, de toute maladroite et indiscrète ingérence dans une question à la discussion de laquelle je ne suis pas présent ni appelé ! Mais vous me pardonnerez, vous me permettrez, et j’espère même que vous m’approuverez d’apporter mes réclamations et mes instances de Français et de chrétien dans une circonstance où la justice et la bienfaisance sont si étroitement liées l’une à l’autre.

Encore que la Vérité et la Charité ne fassent point acception de personne, j’estime que le mérite qui est à notre porte a droit de nous frapper avant celui de l’étranger, et qu’il nous appartient plus qu’à tout autre peuple de faire mentir le proverbe : « nul n’est prophète en son pays ».

Recevez, cher monsieur le Curé, l’assurance des sentiments de profond respect de votre tout dévoué paroissien.

Ch. Gounod.

*

1^er août 1876

Mon cher Salomé,

Je vous adresse et vous recommande tout particulièrement Mme Paul Poisson qui désire extrêmement prendre des leçons d’orgues, et à qui je vous ai indiqué comme professeur.

Bien à vous,

Ch. Gounod