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Premières représentations. La Princesse jaune

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PREMIÈRES REPRÉSENTATIONS
THÉÂTRE DE L’OPÉRA-COMIQUE
La Princesse Jaune, opéra-comique en un acte, et en vers, de M. Louis Gallet, musique de M. Saint-Saëns.

On dirait que les compositeurs de la génération nouvelle veulent aujourd’hui importer à l’Opéra-Comique un genre tout à fait nouveau, et qui jure avec les traditions de cette scène. C’est la réflexion que nous avons faite à l’occasion de la Djamileh de M. Bizet, et que nous sommes obligé de renouveler à propos de la Princesse jaune, de M. Saint-Saëns. Il est facile, cependant, de bien comprendre la différence qui existe entre le genre de l’Opéra et celui de l’Opéra-Comique. Le premier comporte les grands effets harmoniques, une orchestration plus largement développée, des récitatifs à l’allure noble et pompeuse, et rappelant la mélopée antique des Grecs. Le second, au contraire, veut, avant tout, une mélodie claire, élégante, distinguée, des dessins d’orchestre gracieux et chatoyants, qui laissent toujours la voix planer sur l’ensemble harmonique et lui servent seulement de cadre sonore. 

Hérold, Boieldieu, Auber, voilà les types des auteurs de l’Opéra-Comique, et nous pensons que nos jeunes musiciens ne feraient pas trop mal de s’en tenir à de pareils modèles.

Une autre fois nous pourrons développer davantage cette thèse que nous ne faisons qu’indiquer aujourd’hui.

En attendant de parler de la partition, disposons quelques mots du poème de M. Louis Gallet.

Un jeune étudiant hollandais du nom de Kornélis, a pour toquade d’habiter le Japon. Il ne rêve que tours et palais de porcelaine, et il aspire à épouser une belle princesse jaune que quatre esclaves porteraient constamment en palanquais.

Tout entier à cette chimère, il ne fait aucune attention à Léna, sa jeune et gentille cousine, un vrai trésor de bonté, qui l’aime et se désole de le voir perdu dans un monde imaginaire dont il se fait un paradis.

Un narcotique qui l’endort et lui montre le Japon dans un rêve, achève de compléter ses illusions. Dans ce rêve, il voit sous le costume des femmes de ce pays, une beauté qu’il caressait toujours dans ses pensées, et qui a cependant les traits de sa cousine dont il a si peu su apprécier la beauté sous son simple costume de flamande.

Une fois réveillé, Kornélis comprend qu’on peut trouver ailleurs qu’au Japon, une femme charmante, douce, aimante, dévouée.

La jeune fille, en le voyant maintenant repentant et vraiment amoureux, lui pardonne un moment d’erreur, et le rêveur d’autrefois, la rassure d’ailleurs tout à fait par ces paroles qui terminent la pièce :

L’amour chasse le doute
Et nous montre la route
Du paradis perdu.

Nous ne faisons qu’esquisser ce petit poème écrit en vers élégants et colorés, mais qui trahit cependant, au point de vue scénique l’inexpérience de l’auteur.

Il est difficile pour un musicien de traiter des sujets à deux personnages. Cela l’oblige à de longs monologues et à des duos interminables.

M. Saint-Saëns, pour donner de l’intérêt aux situations, a du faire appel à tout son talent de symphonique. Son orchestration est toujours riche et brillante, parfois même trop abondante, et M. Saint-Saëns croit parfois être encore à son orgue où il développe quelquefois un thème jusqu’à satiété. Il y a dans sa partition un abus réel des motifs fugués et des imitations, ce qui rend souvent ses morceaux trop longs.

On ne peut refuser un grand talent à un compositeur qui manie si bien l’orchestre et qui sait en tirer de si beaux effets. Mais tout cela ne vaut pas quelques belles mélodies bien franches et bien réussies qui font, par dessus tout, le succès d’un ouvrage lyrique.

Signalons, toutefois, l’air de la Vision comme le plus coloré et le meilleur de la partition, et le duo final, qui est le morceau le mieux en scène de l’ouvrage.

M. Lhérie et madame Ducasse ont bien servi les auteurs et mérité les applaudissements qui les ont accueillis à la fin de la pièce.

Après cet ouvrage, on a revu avec plaisir Bonsoir voisin, un charmant petit opéra de M. Poize, très mélodique, celui-ci, et qui, comme paroles et musique, trahit le faire d’auteurs plus expérimentés. M. Thierry et madame Reine ont fait de leur mieux dans cette reprise ; mais nous ne pouvons nous empêcher de regretter cet excellent Meillet et sa femme, qui avaient si bien interprété cet ouvrage à l’époque de sa création au Théâtre-Lyrique.

Sylvain Saint-Étienne.

Personnes en lien

Librettiste, Parolier, Éditeur

Sylvain SAINT-ÉTIENNE

(1807 - 1880)

Compositeur, Organiste, Pianiste, Journaliste

Camille SAINT-SAËNS

(1835 - 1921)

Œuvres en lien

La Princesse jaune

Camille SAINT-SAËNS

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Louis GALLET

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date de publication : 31/10/23