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L’Éclair d’Halévy

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Date de publication :

OPÉRA-COMIQUE. 

Première représentation de l’Éclair, opéra-comique en trois actes, paroles de MM. Planard et Saint-Georges, musique de M. Halévy.

 L’administration de l’Opéra-Comique, qui depuis si longtemps courait après un succès de bon aloi, vient enfin d’être servie selon son désir. MM. Planard, Saint-Georges et Halévy l’ont dotée d’un ouvrage qui arrivera sans effort à sa centième représentation.

 L’intrigue de la pièce est des plus simples et néanmoins des plus intéressantes. — Aux États-Unis, près de Boston, deux sœurs, dont l’une est veuve et l’autre pas encore mariée, vivent dans une habitation au bord de là mer, où vient les visiter quelquefois leur oncle, médecin immensément riche. – L’une des deux sœurs se plaît beaucoup dans ce séjour ; elle est romanesque, elle aime la mer, la campagne, et prend plaisir à secourir les malheureux naufragés que la tempête jette souvent sur la côte ; l’autre, la veuve, est une coquette qui aime surtout la ville et les réunions où l’on peut briller par l’esprit et par la parure. – Aussi, est-elle sur le point de laisser sa sœur avec ses rêves et ses fleurs qu’elle aime tant, quand une visite imprévue leur arrive. – C’est Georges, Georges qui est leur cousin et qu’elles ne connaissent cependant pas, qui vient d’Angleterre, où il a été élevé, et qui est envoyé par son oncle avec ordre de faire bien vite son choix entre ses deux cousines, et d’épouser l’une d’elles avant que trois semaines se soient écoulées. – Georges, qui est très fatigué, qui a faim et qui a besoin de dormir, se met d’abord à table sans façon, et laisse ses deux cousines s’arranger entre elles pour savoir laquelle des deux il épousera, persuadé qu’il est qu’elles sont déjà toutes deux folles de lui ! – Entre un officier de marine ; il vient de la chasse, il retourne à son vaisseau, qui est à un quart de lieue en mer, et comme il a grand-soif et qu’il voit Georges attablé et mangeant comme quatre, il lui demande à se rafraîchir. – Georges, qui est un bon diable, l’accueille avec plaisir, et lui fait toutes sortes d’offres, à condition qu’il ne le dérangera pas de sa sérieuse occupation, à savoir de son déjeuner. – Les deux jeunes gens causent, le marin vante son état et chante à ce propos un fort bel air ; puis il souhaite à Georges toutes les prospérités possibles, et s’en va. — Georges, qui est très fatigué, s’endort dans ce moment, mais il est bientôt réveillé par une effroyable tempête, et par 

l’arrivée de sa cousine Henriette qui conduit par la main le jeune marin à qui il a donné à boire tout à

l’heure, et qu’elle a trouvé errant au bord de la mer et prêt à périr dans les flots, car le tonnerre a brisé sa barque et l’éclair l’a rendu aveugle.

 Au second acte, trois mois se sont écoulés. L’aveugle a été soigné par le docteur et par Henriette, par Henriette surtout, qui lui a prodigué les attentions les plus délicates. – On aime aisément ceux à qui l’on fait du bien, et l’on aime encore plus facilement ceux qui nous en font ; c’est pourquoi Lionel, le jeune marin aveugle, aime Henriette, qui de son côté ressent pour lui le plus ardent amour. – Ce jour-là, le soir, à la clarté de la lune, on doit enlever l’appareil qui couvre les yeux de Lionel, et il doit recouvrer la vue. Il verra Henriette, sa bienfaitrice et qu’il rêve si belle. – La sœur d’Henriette est venue ce jour-là de la ville, et assiste à l’épreuve tant désirée. – Huit heures sonnent, c’est le moment de lever l’appareil. Lionel arrache son bandeau ; il a recouvré la vue. Deux femmes se trouvent devant lui ; naturellement il tombe aux pieds de la plus belle, en criant Henriette, et la véritable Henriette s’évanouit de douleur, car ce n’est pas à ses pieds que Lionel est tombé. 

Au troisième acte, Henriette a disparu depuis plusieurs jours, navrée de douleur ; elle a écrit qu’elle 

ne reparaîtrait que lorsque Lionel et sa sœur seraient unis. – Comme on la sait romanesque et capable de tenir parole, on feint que le mariage ait eu lieu et quand elle est revenue, Lionel, qui l’aime toujours et qui n’a jamais aimé qu’elle lui dévoile la ruse et lui demande sa main, qu’elle lui accorde. – Georges qui, pendant le courant de la pièce a été vingt fois balloté entre, ses deux cousines, et qui les a aimées tour à tour, finit, cependant par épouser la sœur d’Henriette.  

Avec cette donnée toute simple, et en apparence peu fertile en accidens dramatiques, les auteurs ont fait une comédie charmante, qui marche toute seule, intéressante comme un roman de Walter Scott, et semée de mots heureux et de situations musicales. – Au second acte, la moment solennel de la levée de l’appareil, quand Henriette tombe évanouie, est du plus grand effet, et amené avec infiniment de talent. – Le caractère de Georges est une véritable création ; c’est un bon jeune homme qui sort de son université d’Oxford, comme il le dit si plaisamment, et à qui tout est indifférent, pourvu qu’on le laisse vivre sans fatigues, et qu’il puisse pêcher à la ligne selon son désir. – Les grandes passions n’ont que faire avec ce blondin-là. Mais à côté, vous avez cette jeune Henriette qui vit dans la solitude, qui aime le bruit des vagues de la mer, le vent dans les forêts, le chant des oiseaux et le parfum des fleurs ; elle se laisse aller à d’ineffables rêveries, et vienne un amour à cette âme ardente, il la remplira tout entière. – Aussi, comme elle aime Lionel !

De notre temps, les pièces comme l’Éclair sont rares, nous ne dirons pas seulement à l’Opéra-Comique, mais encore dans tous les autres théâtres de la capitale, y compris le théâtre français. 

Comme nous l’avons déjà dit, la musique de cet opéra est de M. Halévy, l’auteur de la Juive ; elle 

est en tout digne de la pièce, c’est-à-dire charmante. – Elle fourmille de motifs pleins de fraîcheur et habillement instrumentés. – Nous n’en finirions pas si nous voulions citer tous les airs, duos et romances qui, à diverses reprises, ont été couverts d’applaudissemens. Nous mentionnerons néanmoins le grand air de Chollet, au premier acte, dans lequel se trouve une prière si touchante, qu’elle a ému tout l’auditoire, et un quatuor, au second acte, qui a enlevé les suffrages. — Cette musique coule sans effort, et vous remplit l’âme des plus douces émotions. — M. Halévy a été traîné (traîné c’est le mot) par Chollet, Coudère et Mme Pradher, sur le devant de la scène, aux applaudissemens de la foule enthousiasmée. — Il avait bien mérité cette ovation. 

Nous devons payer notre tribut d’éloges à Chollet d’abord, qui a joué en acteur consommé, et chanté de toute son âme, et avec toute sa voix, encore plus fraîche ce soir-là que de coutume, le magnifique rôle qui lui était échu. Coudère a maintes fois excité les applaudissemens de la salle par son jeu naïf et franc, par la plaisante tournure qu’il s’était donnée, et par sa belle voix, que son rôle ne lui permettait malheureusement pas de déployer toute entière. Mme Pradher a été ce qu’elle est toujours, gracieuse comédienne, mais faible chanteuse ; enfin, Mlle Camoin a fait force grimaces, selon sa louable habitude.

Le succès de l’Éclair se prolongera jusqu’aux beaux jours. Ce sera le pendant du Pré aux Clercs

Personnes en lien

Compositeur

Fromental HALÉVY

(1799 - 1862)

Œuvres en lien

L’ Éclair

Fromental HALÉVY

/

Henri de SAINT-GEORGES

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date de publication : 18/09/23