L’Œil crevé d’Hervé

Théâtre de la Renaissance. – Reprise de l’Œil crevé, opérette bouffe en trois actes, de Hervé.

Il doit y avoir dans la vie des opérettes comme dans la vie des peuples, des périodes de grandeur et de décadence. Ô, Montesquieu, n’est-ce pas que l’opérette est en décadence et qu’après avoir eu ses Marengo et ses Austerlitz, elle a ses Waterloo.

Après les succès épiques d’Orphée, de l’Œil crevé, de la Belle Hélène, on est arrivé aux fours successifs d’opérettes qui ont passé comme les roses.

Il me semble qu’on revient maintenant tout doucement à l’opéra comique gai, ou au vaudeville à couplets, et quand on veut une véritable opérette, on est forcé de remonter aux sources et de reprendre les chefs-d’œuvre du genre.

L’Œil crevé est des cinq ou six opérettes types, dont le souvenir vivra dans l’esprit des générations ; et après quatorze ans, voici l’œuvre d’Hervé revenue avec sa musique pimpante et leste, avec son diable au corps qui n’exclut pas toujours la mélodie.

Nous avions entendu de nouveau ces airs moulus par tous les orgues de Barbarie, et joués par tous les orchestres qui font danser le cancan. Et cela n’a pas déplu…, au contraire.

Et les artistes de la Renaissance sont si amusants ! Desclauzas ferait rire la momie d’un Pharaon d’Égypte. C’est une rare comédienne vraiment. Jolly est fort gai ; Vauthier, en Géromé, est un bon grotesque. Vous savez, comme il emploie sa voix de tonnerre ! Alexandre chante avec goût, et Vavasseur et Jannin sont d’amusants fantoches.

Mlle Milly-Meyer est assez drôlette. Quant à Mlle Hading, elle a une grâce un peu prétentieuse peut-être, mais qui charme.

Une débutante, Mlle Dalti, a prouvé qu’elle sait chanter ; elle a la voix sûre et bien timbrée. On pourra lui donner de meilleurs rôles que celui de Dindonnette.

La soirée, en somme, a été intéressante, il y a avait salle comble et l’on s’est fort amusé.

M. Koning, en reprenant l’Œil crevé, pourrait bien ne s’être point mis le doigt dans l’œil. 

Enjolras.