Les Premières. Lancelot
LES PREMIÈRES
À l'Opéra : Lancelot, opéra en quatre actes et six tableaux de MM. L. Gallet et Blau, musique de M. Victorin Joncières.
Ce fut d’abord Lancelot du Lac. Ce n’est plus que Lancelot. Aurait-on craint les plaisanteries trop faciles ?
Lancelot tout court n’en est pas moins l’histoire du célèbre chevalier, ou mieux sa légende, imaginée par Gautier Mapp sur l’ordre de Henri II.
Voici dans ses grandes lignes le poème (?) de MM. Louis Gallet et Édouard Blau : [argument de la pièce].
Tel est le livret. Il n’est pas excellent. Ce Lancelot, infidèle à son roi, n’était d’ailleurs, en somme, qu’un assez triste sire, et l’agencement dramatique de ses aventures amoureuses n’offre qu’un intérêt plutôt banal et médiocre.
Quant à la musique de M. Joncières, elle atteste que ce compositeur a su trouver le secret précieux de ne pas vieillir. Sa partition est établie d’après les formules anciennes et les traditions d’autrefois. Tou y est sacrifié au chant, et l’orchestre, sans aucune originalité de timbres, n’y occupe qu’une place restreinte, n’étant le plus souvent qu’un accompagnement discret, destiné à soutenir la voix.
Cependant, si tout le début de Lancelot est assez pauvre d’idées, si la musique y manque d’éclat et d’inspiration, du moins se trouve-t-il dans les derniers tableaux des morceaux d’un beau mouvement, d’un souffle large et généreux qui commentent plus heureusement les situations du livret. Le duo notamment, où le roi pardonne à l’épouse infidèle est plein d’ampleur et d’un sentiment très élevé. De même, l’entrevue suprême de Lancelot et Guinèvre, où les chants sacrés alternent et se mêlent dans le lointain aux chants d’amour profane, est un effet assez poignant.
Cet opéra, dans son ensemble, relève d’un art et d’une esthétique jadis en faveur et qui ont encore des partisans. Son plus grand défaut est de venir trop tard, après la profonde et incontestable évolution qu’a subie notre goût musical. Représenté il y a vingt-cinq ans, c’eût été peut-être un grand succès. Je doute qu’il en soit de même aujourd’hui.
Mme Delna prête sa belle voix passionnée, tragique et prenante, au personnage de Guinèvre. M. Renaud affirme une fois de plus, dans le roi, sa diction impeccable et son art intelligent. M. Vaguet est actuellement un de nos meilleurs ténors, et l’on ne saurait dire les passages de douceur avec plus de goût et de délicatesse. M. Fournets a de l’autorité, et Mme Bosman est toujours une chanteuse sûre et adroite. Enfin, dans le ballet, assez médiocrement dansé, Mlle Robin affirma des qualités de mime gracieuse et habile.
Robert Gangnat
Personnes en lien
Œuvres en lien
Lancelot
Victorin JONCIÈRES
/Édouard BLAU Louis GALLET
Permalien
date de publication : 05/10/23