Semaine théâtrale. Jeanne d’Arc de Serpette
SEMAINE THÉÂTRALE
M. Halanzier a voulu faire honneur au prix de Rome de cette année, et il a décidé l’audition de la cantate couronnée. C’est vendredi dernier que la Jeanne d’Arc de M. Serpette a fait son apparition sur la scène de l’Opéra, en attendant celle de M. Mermet. Comme au Conservatoire, Mlle Rosine Bloch et le jeune ténor Richard en étaient les principaux interprètes. M. Gailhard prêtait à cette cantate son précieux concours. L’œuvre ainsi distribuée, soutenue par le puissant orchestre de l’Opéra, ne pouvait qu’être bien accueillie. D’ailleurs on aime, en France, à encourager les jeunes compositeurs, et M. Serpette, plus qu’un autre, ne saurait le méconnaître sans ingratitude. Nous lui souhaitons maintenant bon voyage en Italie et meilleur retour encore. Qu’il médite là, non seulement sur ses études déjà faites pour les compléter, mais qu’il s’inspire au contact des chefs-d’œuvre de tout genre dont ce pays artistique abonde. Le tort des musiciens est de se faire par trop spécialistes. Ils dédaignent aujourd’hui le séjour à Rome, d’où la musique a presque émigré, il faut bien le reconnaître. Mais Naples, Bologne, Florence et Milan offrent encore de belles ressources théâtrales, et presque toutes les bibliothèques musicales d’Italie ont un grand intérêt rétrospectif. Or il faut qu’un jeune compositeur n’ignore pas ses classiques. Donc à l’œuvre ! M. Serpette, et faites que le jeune musicien de la Jeanne D’Arc, de M. Jules Barbier, nous revienne un vrai compositeur. Votre partition des concours n’est pas celle de tous les prix de Rome. L’orchestration y est plus nette, plus intelligente et plus puissante. Les musiciens de l’orchestre de l’Opéra en ont témoigné en applaudissant de leurs archets sur les pupitres. Le seul reproche qu’on puisse adresser à cette instrumentation est d’être par trop surchargée, par trop touffue. La partie vocale de cette cantate accuse aussi de grandes qualités scéniques. On a fort goûté la romance du jeune ténor Richard, la belle prière en trio, chantée par Mlle Bloch, MM. Gailhard et Richard, ainsi que la scène finale de Jeanne d’Arc, très bien interprétée par Mlle Rosine Bloch. – Bref, un vrai succès de cantate relevé par le poëme de M. Jules Barbier. Avant de quitter la Jeanne d’Arc de M. Serpette, un mot de sa modestie : Il a écrit à son père, un Nantais millionnaire, s’il vous plaît, de ne point manquer de venir entendre sa cantate à l’Opéra, « cette soirée inespérée pouvant bien rester sans lendemain dans toute sa carrière de compositeur. » Et l’heureux père d’accourir, comme on le pense bien. C’est avec la reprise de la Favorite par Faure que la Jeanne d’Arc de MM. Barbier et Serpette a été interprétée sur la scène de l’Opéra. Comme on le voit, M. Halanzier n’a pas fait les choses à demi. Aussi la salle était-elle comble. On remarquait parmi les auditeurs M. Ambroise Thomas, venu pour encourager son disciple couronné. [...]
M. Moreno
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date de publication : 16/10/23