Semaine théâtrale. Madame Favart
SEMAINE THÉÂTRALE
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Le nom de Favart nous transporte tout naturellement aux Folies-Dramatiques, où vient de se produire le nouveau succès du maestro Offenbach, le fondateur en France et en Allemagne d’un genre de musique qui a fait école malgré ou à cause de ses folles gaietés. On défiait Offenbach de vaincre le public de M. Gantin et il vient pourtant d’en triompher sous les auspices, de
MADAME FAVART
Il y a, au boulevard Saint-Martin, deux théâtres rivaux, rivaux par le succès, bien qu’exploitant côte à côte la même veine aurifère, celle de l’opérette, qui, il faut bien le constater, parait vouloir se ranger sur ses vieux jours et pencher de plus en plus vers le respectable opéra-comique.
Ces deux théâtres, j’ai nommé la Renaissance et les Folies-Dramatiques, sont arrivés à un même degré de prospérité, bien que conduits par deux hommes assurément également intelligents, mais procédant par des moyens différents. L’un est fastueux, il tient du roi soleil, il aime jeter l’argent par les fenêtres pour le voir rentrer par la porte ; l’autre prêche d’économie, diminue ses frais et empile des trésors. L’un est plus musqué, l’autre plus populaire ; le faubourg Saint-Germain apporte ses louis d’or au premier, le faubourg Saint-Antoine ses gros sous au deuxième. L’un a dit : « Je ferai ma fortune par le luxe, » l’autre a répondu : « Je la ferai par une sage simplicité. » Il semblerait que l’un des deux dût se tromper. Eh bien ! non, les madrés compères ont réussi tous les deux et peuvent se regarder sans rire.
Voyant donc la Renaissance poursuivre sa veine prodigieuse en célébrant les grâces d’une illustre danseuse, la Camargo, les Folies-Dramatiques ont entrepris de poursuivre la leur en représentant les aventures d’une non moins illustre chanteuse de la même époque, ou à peu près. Madame Favart. Et, là encore, même succès pour les deux scènes voisines. Offenbach a triomphé, comme l’invincible Lecocq.
L’intrigue de Madame Favart est coulée dans le même moule que tous les librettos d’opérette de ces derniers temps ; c’est une de ces pièces semi-historiques si fort à la mode de nos jours, de l’histoire racontée à la façon des chroniques de l’OEil-de-boeuf. Beaucoup de détails ingénieux. Vous pouvez y aller voir et vous prendrez certainement intérêt à tous les subterfuges inventés par Mme Favart et son mari pour échapper aux obsessions du grand maréchal de Saxe. Vous y verrez enfin comment le roi finit par concéder à Favart le privilège de l’Opéra-Comique. M. Carvalho en a dû tressaillir.
La partition est une des plus pimpantes d’Offenbach, bien inspirée presque d’un bout à l’autre ; elle fera son chemin dans les deux mondes comme la plupart de ses aînées, car la musique de l’auteur d’Orphée ne connaît pas de frontières.
L’interprétation de Madame Favart est vraiment excellente dans son ensemble. Que Mlle Girard a de verve (c’est bien une enfant de la balle) et que Mlle Gélabert a de grâce ! Le baryton Lepers a opéré un très-brillant début dans l’opérette. Bonne voix. On a été jusqu’à lui trisser les couplets de l’échaudé, qui sont d’ailleurs bien fins et bien spirituels, la musique comme les paroles. Luco, Simon Max et Maugé forment, comme toujours, un excellent fond de tableau.
En voilà pour bien longtemps. Sait-on où peut s’arrêter un succès des Folies-Dramatiques ?
H. MORENO.
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date de publication : 16/10/23