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La Gaîté-Lyrique. Ali-Baba

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La Gaîté-Lyrique. – Ali-Baba, conte musical en trois actes et huit tableaux, de Albert Vanloo et William Busnach, musique de Charles Lecocq.

Si nous en croyons M. Louis Schneider, l’annaliste averti de Lecocq, Ali-Baba, qui fut mis à la scène, pour la première fois à Bruxelles en 1887, n’aurait jamais été représenté à Paris ; c’était donc pour nous une vraie nouveauté. Le sujet, tout le monde le connaît, c’est l’histoire d’Ali-Baba et des quarante voleurs, extraite des Mille et une Nuits, dont fut bercée notre enfance ; je ne sais si les bébés modernes se contenteraient d’aventures aussi simples, et je vois parfaitement quelque moutard de cinq ans auquel on aurait dit qu’Ali-Baba trouva, dans la caverne des voleurs, des richesses incommensurables, s’écrier : « Ah ! Mon papa on ne me la fait pas : cette caverne des quarante voleurs, c’est la Bourse, c’est là qu’Ali-Baba a fait sa fortune ! » Notre esprit était plus simple et moins pratique : nous croyions encore à ces fables orientales de si jolie naïveté. Qui de nous n’a frémi lorsqu’on découvre les quarante voleurs cachés dans des outres ? Tous ces jours d’autrefois remontaient à notre esprit pendant que se déroulait le spectacle de la Gaîté, et nous adressions un sourire à notre jeunesse disparue et à l’envol de nos rêves de gosses.

MM. Vanloo et Busnach ont un peu coupé les ailes à la poésie du conte arabe : ils l’ont ramené, tout au moins dans la version que nous eûmes, aux proportions d’un vaudeville ; leur livret et plat et décousu, il traîne quelquefois, notamment au second acte. La musique de Lecocq, au contraire, se hausse de ton et se promène agréablement aux frontières de l’opéra-comique. Lecocq connaissait admirablement son métier, et ses auteurs. Il savait très joliment manier les « à la manière de », mais sans appuyer, avec une légèreté spirituelle. Le chœur des brigands ne rappelle t-il pas le chœur des chasseurs du Freyschutz [sic], et la petite ritournelle mozartienne qui précède la réception d’un brigand, n’a-t-elle pas un antécédent dans l’introduction maçonnique de la Flûte enchantée ? C’est un rien, mais c’est charmant. Le premier et le dernier acte sont, au point de vue musical, de beaucoup les mieux venus. La mélodie y coule de source, et conserve, comme toujours chez Lecocq et comme plus tard chez Messager, de la tenue et de la distinction, les ensembles sont bien traités ; je ne sais si le ballet est original ou s’il est fait de pièces et de morceaux, je pencherais plutôt vers cette dernière hypothèse, car il a paru extrêmement pâle et insignifiant.

L’interprétation est de premier ordre. M. Gilbert Nabos a une très jolie voix, sympathique, qu’il manie avec aisance. Mmes Louise Dhamarys et Hélène Gérard, étoiles qui brillent en permanence au firmament de la Gaîté, conservent un éclat très pur et une voix extrêmement fraiche. Il est un compliment, d’ailleurs, qu’il faut adresser à tous les artistes de la Gaîté, et sur ce point, les chanteurs et les chanteuses de nos théâtres subventionnés pourraient prendre modèle sur eux ; ils prononcent admirablement, non seulement quand ils parlent, mais quand ils chantent. On ne perd pas un mot. Je sais bien qu’ils n’ont pas à lutter contre un orchestre très important, mais leur diction est d’une clarté absolue. MM. Julien et Robert Allard, ce dernier surtout, au comique frétillants, sont très amusants.

Le corps de ballet s’est distingué : il n’y a de réserve à faire que pour la danseuse-étoile, que sa corpulence rend un peu lourde. Elle retrouve son agilité seulement lorsqu’elle court après son centre de gravité.

La mise en scène, décors et costumes, est, comme toujours à la Gaîté, de la meilleure venue.

Pierre de Lapommeraye

Personnes en lien

Compositeur

Charles LECOCQ

(1832 - 1918)

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Ali-Baba

Charles LECOCQ

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William BUSNACH Albert VANLOO

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date de publication : 16/10/23