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La Montagne noire d’Holmès

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NOTES DE MUSIQUE

OPÉRA : La Montagne noire, paroles et musique de Mme Augusta Holmès.

Être jouée à l’Opéra fut pendant de longues années l’ambition de Mlle Augusta Holmès. Il est permis de se demander aujourd’hui si la grande satisfaction qu’elle en attendait ne lui a pas cruellement manquée l’autre soir. Le théâtre est la terrible épreuve, d’où sortent fortifiés ou amoindris les musiciens que jusque-là on n’avait pu connaître que par les œuvres de concerts. Lutèce, Ludus pro patria, Irlande étaient en musique symphonique des œuvres fort honorables, et qui dénotaient de généreuses pensées, de beaux sentiments, et des élans parfois émouvants vers un idéal de liberté et de beauté.

L’Ode triomphale composée à l’occasion de l’Exposition universelle de 1889, et exécutée par un orchestre et des chœurs formidables dans l’enceinte du palais de l’Industrie, avait paru à tous demeurer fort inférieure à la conception patriotique qui l’avait déterminée ; mais c’était une œuvre de commande, pour laquelle on devait être indulgent, étant donné la hâte avec laquelle elle avait dû être mise au point.

Il n’en va pas de même pour la Montagne Noire, que Mlle Holmès présentait au public théâtral français. Conçue en 1882, elle était donc, l’autre soir, âgée de treize ans quand nous l’entendîmes : on dut s’en apercevoir un peu à quelques signes de vétusté et de caducité qu’elle portait déjà ; plus jeune, aurait-elle mieux réussi ? je ne le crois pas, car il lui manque avant tout ce qui fait viable une œuvre d’art, l’intérêt. Le sujet en est absolument dénué, et les qualités musicales mêmes de cette œuvre sont bien insuffisantes à en masquer la pauvreté.

Ainsi que Wagner, mais à cela seul s’arrête l’analogie, Mlle Augusta Holmès a écrit ensemble le poème et la musique. Le milieu où se passe le drame est le Monténégro. Sous les ordres de Mirko et d’Aslar, les bandes monténégrines sont parties en guerre ; et les femmes demeurées au logis invoquent Dieu en faveur de la victoire. Leurs vœux ont été exaucés, et les vainqueurs rentrent acclamés dans leurs foyers, traînant avec eux un immense butin. Parmi les prisonniers, une femme turque se lamente : séduit par sa beauté, Mirko lui rend la liberté, devant les yeux de sa fiancée Héléna que le parjure oublie. Puis, plus tard, quand vient l’heure de repartir en expédition, Mirko oublie son devoir près de la belle Jamina [sic]. Héléna a beau lui rappeler ses serments, il ne l’écoute pas ; et la passion lui fait suivre les pas de Jamina, qui l’entraîne à fuir avec elle. La nuit dans la montagne, les deux fugitifs s’arrêtent épuisés en un endroit désert ; Aslar, le compagnon d’armes de Mirko, est parvenu à les rejoindre, il l’accable de reproches et parvient à éveiller les remords dans son âme. Il va réussir à le remmener, mais un baiser de Jamina a raison des meilleures résolutions, et devant une telle lâcheté, Aslar se lève devant eux l’épée à la main, prêt à châtier ; mais Jamina, la main armée d’un poignard, se jette sur lui et le frappe. Pris de nouveaux remords, mais bien tard ! Mirko tombe aux pieds d’Aslar et cherche à le rappeler à la vie. Les troupes monténégrines s’approchent et Mirko va lui-même s’accuser du crime, quand Aslar, reprenant connaissance, empêche son ami de se perdre, et accuse l’ennemi d’une embûche où il a été surpris et frappé. Cette nouvelle générosité n’a pas raison de la navrante faiblesse de son ami, car Mirko s’enfuit encore avec Jamina. Mais les Monténégrins ont envahi la ville turque où ils se sont abrités et cachés. Le feu qui détruit la ville gagne leurs maisons ; mais le poignard vengeur d’Aslar devance le feu, et Mirko, traitre à sa patrie, parjure aux siens, tombe frappé à mort par Aslar.

Tel est ce sujet, presque complètement jugé peu attachant, tant paraît variable et capricant le caractère du principal personnage Mirko. Il faut musicalement sauver de cette partition presque toujours tendue comme effets, et inutilement bruyante, un certain nombre de morceaux mélodiques bien venus, et qui seront peut — être fort applaudis dans les salons. Ainsi, l’air de Jamina au premier acte « Parmi les fleurs et les odeurs », la cantilène « Belle vierge qui sous vos voiles » que Mme Héglon a chantée d’une fort belle voix au 2e acte, et suivi du beau duo avec Mirko. Au 3e acte, un charmant duo entre Mirko et Jamina : « Repose-toi sur mon bras qui t’enlace ». L’interprétation était fort bien. Mlle Bréval a eu de beaux mouvements. Mme Héglon a fort bien chanté le rôle fort court qu’elle avait à tenir. M. Alvarez a défendu du mieux qu’il a pu le rôle très ingrat de Mirko, et M. Renaud a joué fort dramatiquement le rôle d’Aslar.

FRANK-ARCHET.

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Compositrice, Pianiste, Librettiste

Augusta HOLMÈS

(1847 - 1903)

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date de publication : 18/09/23