Premières représentations. Les P’tites Michu
PREMIÈRES REPRÉSENTATIONS
Bouffes-Parisiens : Les p’tites Michu, opérette en trois actes, de MM. G. Duval et A. Vanloo ; musique de M. A. Messager.
Elles sont deux, les P’tites Michu, Marie-Blanche et Blanche-Marie, et pourtant elles devraient n’être qu’une.
Voici comment : Les époux Michu, crémiers achalandés aux Halles, avaient, au moment même où Mme Michu venait de donner le jour à une fille, reçu en nourrice une autre petite fille, la propre enfant du marquis et de la marquise des Ifs.
Or le brave Michu, s’étant imaginé de faire prendre un bain aux deux petites exactement du même âge, les avait mêlées, comme il dit, si bien qu’en les rhabillant il lui avait été impossible de reconnaître laquelle des deux était sa fille à lui ou la fille du marquis. En sorte que les deux enfants avaient été élevées comme si elles étaient vraiment sœurs, et mises en pension sous le nom des p’tites Michu, car on n’avait plus entendu parler du marquis des Ifs, et encore moins de la marquise qui était morte après avoir mis au monde Marie-Blanche – ou Blanche-Marie.
Dix-sept ans après, le marquis des Ifs, devenu général de Napoléon Ier, et rentré à Paris après le siège de Saragosse, réclamait sa fille aux Michu, fort embarrassés. Laquelle allaient-ils lui donner ? Ma foi, ce serait au petit bonheur ! Celle-là serait la fille du général qui, la première, se trouverait en sa présence. Après d’ingénieux et amusants artifices de scène, Marie-Blanche devenait décidément la fille du général, qui, aussitôt, la fiançait à un beau capitaine de hussards, pendant que Blanche-Marie, la fille définitive des Michu, était promise à un certain Aristide, neveu et commis des Michu.
Le hasard, qui fait souvent des siennes, avait dû se tromper, car il se trouvait que Marie-Blanche n’aimait pas du tout le beau capitaine et qu’au contraire Blanche-Marie en avait fait l’élu de son cœur.
Comment sortirait-on de là ? C’est alors que Marie-Blanche, la futée, eut une idée lumineuse. Elle avait vu chez le général le portrait de la défunte marquise des Ifs. En un tour de main, elle accommodait la coiffure de Blanche-Marie à la manière de celle du portrait, la poudrait comme il faut, et l’ornait d’un nœud rose identique ; c’était frappant ainsi, et Blanche-Marie ressemblait traits pour traits à la marquise.
Aussi le général, en entrant, ne pouvait que s’écrier : « Mais, la voilà, ma fille ! »
Dénouement charmant, d’une grâce délicate, d’un joli conte bien mené et très particulièrement exempt des gravelures ordinaires, lequel a fait plaisir à tout le monde, et a beaucoup réussi…
La musique dont il est orné est d’une venue délicieuse. Rarement M. Messager fut mieux inspiré.
Compositeur très doué, et tellement en possession de son métier qu’il parvient même à le dissimuler, M. Messager pastiche avec un art parfait les formules mélodiques d’autrefois et donne ainsi à sa partitionnette une couleur appropriée du plus galant effet. Sur les vingt-deux numéros des P’tites Michu, il en faudrait citer au moins quinze. C’est assez dire combien cette musique a d’agrément en ses jolies idées et en son orchestration toujours nourrie et pourtant toujours discrète. Enfin, c’est de la musique ; et, quand il s’agit d’opérette, cette constatation, d’apparence si simple, devient tout de même le plus affirmatif des éloges.
Lés P’tites Michu ont la bonne fortune d’avoir rencontré deux interprètes vraiment exquises, Mlles Alice Bonheur et Odette Dulac, fines, intelligentes ; comédiennes d’entrain et chanteuses de goût. Leur succès personnel a été très vif.
À côté d’elles un jeune baryton, encore inexpérimenté au point de vue théâtre, a montré une voix agréable et distinguée. Puis, nous avons le bon et rond Regnard, Maurice Lamy, Brunais, Mmes Vigoroux et Laporte.
Gentille soirée et de bon ton, où les familles peuvent se rendre en parfaite sécurité.
Léon Kerst
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André MESSAGER
/Albert VANLOO Georges DUVAL
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date de publication : 01/11/23