Aller au contenu principal

Ariane de Massenet

Catégorie(s) :
Éditeur / Journal :
Date de publication :

« ARIANE » À L’OPÉRA

On nous télégr. de Paris, 31 octobre :

La grande première d’Ariane, depuis si longtemps attendue, a enfin eu lieu ce soir, à l’Opéra. Notre Académie nationale, surtout depuis quelques années, donne si peu d’œuvres nouvelles que la curiosité la plus vive ne pouvait manquer d’être causée par cet événement musical. La salle était comble et l’on remarquait le roi de Grèce dans la loge du président de la République, qui, lui, avait assisté à la répétition générale, tout comme un journaliste ami de la maison.

Ariane est, comme on le sait, un des sujets les plus poétiques et les plus émouvants de la mythologie grecque : c’est, une douce et mélancolique figure, que celle de cette amoureuse prête à tous les sacrifices. Fille de Minos, elle s’éprend de Thésée, roi d’Athènes, à qui elle donne le fil à l’aide duquel il peut sortir du labyrinthe, après avoir tué le Minotaure, mais l’ingrat vainqueur trahit Ariane pour sa sœur Phèdre. Ariane pardonne cependant, et quand Phèdre, punie pour avoir mutilé la statue d’Adonis, descendra aux enfers, elle ira implorer sa grâce. Ce sacrifice même ne lui rend pas l’amour de Thésée, toujours épris de Phèdre, et l’infortunée, abandonnée dans l’île de Naxos, se jette du haut d’un rocher dans la mer.

Cette histoire, ou fable douloureuse, a inspiré divers auteurs tragiques ; Corneille en a fait une de ses meilleures pièces. M. Catulle Mendès en a tiré un admirable poème, plein d’envolées superbes : il a dépensé de beaux vers, sans compter et sans faire attention qu’il n’écrivait qu’un livret d’opéra.

M. Massenet a dû être heureux de cette collaboration avec un véritable artiste, et lui aussi a prodigué les trouvailles, les trésors de son génie musical. Le 1er, le 3e et le 5e acte d’Ariane sont de pur drame, le second et le quatrième sont presque exclusivement symphoniques. C’est dans celui-ci que le poète et le musicien ont évoqué l’enfer, non l’enfer du moyen âge, avec ses hurlements de démons et de damnés mais l’enfer grec, lugubre, désolé, monotone.

On nous pardonnera de ne pas énumérer, dans un compte-rendu trop rapide, les pages les plus remarquables de cette partition bien digne de l’auteur du Roi de Lahore. De chaleureux applaudissements, de nombreux rappels ont consacré un grand et légitime succès. Les décorateurs de l’Opéra ont fait merveille et les costumiers aussi ; le cadre est digne de l’ouvrage. Quant à l’interprétation, elle mérite les plus grands éloges, et toute la presse parisienne louera certainement la vaillance des artistes.

Notre concitoyen, M. Muratore, charmeur et tendre dans le rôle de Thésée, a su tirer le meilleur parti de sa voix magnifique. Sa réussite est complète et on le considère justement, à cette heure, comme un de nos meilleurs ténors. M. Delmas a été un superbe Pirithoüs et s’est montré à la hauteur de sa réputation. C’est surtout dans la scène de la mort que Mlle Bréval s’est fait apprécier, après avoir montré une grâce exquise dans les scènes d’amour d’Ariane. Mlle Grandjean a su être d’abord perfide, puis dramatique : elle a incarné en Phèdre une amoureuse troublante. N’oublions pas Mlle Lucy Arbell, une exquise Persephone. Mlle Demougeot, une poétique Cypris et les sirènes aux voix captivantes et les ballerines de notre Académie nationale, gentilles étoiles au milieu desquelles Mlles Zambelli et Sandrini brillent d’un pur éclat, gardant les meilleures traditions de la danse française. — Th. H.

Personnes en lien

Compositeur, Pianiste

Jules MASSENET

(1842 - 1912)

Œuvres en lien

Ariane

Jules MASSENET

/

Catulle MENDÈS

Permalien

https://www.bruzanemediabase.com/node/18540

date de publication : 18/09/23