Cendrillon d’Isouard
Opéra-Comique. – Cendrillon, opéra-comique en trois actes d’Etienne, musique de Nicolo.
Cendrillon fit sa première apparition au beau milieu des réjouissances publiques qui signalèrent le second mariage de Bonaparte avec la fille des Césars.
L’opéra de Nicolo nous reporte donc au 22 février 1810.
Les annales théâtrales de cette époque nous disent qu’il obtint un succès colossal et que le chiffre des vingt premières représentations atteignit la somme fabuleuse alors de 110 000 fr.
Cendrillon n’a plus été jouée depuis 1845. Elle fut aussi favorablement accueillie sous le règne de Louis-Philippe que du temps de Napoléon Ier.
Mais il est peu probable que les prédécesseurs de M. Carvalho fussent grands seigneurs comme lui. Le roi des directeurs, comme l’appellent les amis de la maison, a entouré cette reprise d’un luxe de mise en scène dont l’Opéra-Comique semblait avoir perdu le secret. C’est là une erreur de la plupart des directions qui attendent que la fortune entre par la porte avant de la jeter par les fenêtres, tandis que c’est le principe contraire qu’elles devraient appliquer en pratiquant ce vieil adage semer pour récolter.
La partition de Cendrillon est, à mon avis, inférieure à celle de Joconde, sans compter que le sujet de Perrault offre peu d’intérêt dramatique ; par cela seul qu’il a charmé notre enfance, qui ne connait ce refrain : II était un petit homme, toto carabo, etc.
À part cela, la musique de Nicolo recèle toutes les qualités primitives – bien primitives – de la vieille école française : unité et franchise du rhythme, instrumentation sobre et discrète, mélodie simple et naïve.
Les progrès réalisés dans la musique moderne couvrent Cendrillon d’un ton gris, d’où se détache intacte l’inspiration du compositeur, don du génie sur lequel le temps n’exerce aucune action.
Les morceaux les plus saillants sont le quatuor du premier acte, le duo des deux sœurs rivales, au second acte ; l’air de baryton que chante le mendiant : Conservez bien la paix du cœur, d’une tournure agréable. On peut encore citer les deux petits airs de Cendrillon, qui sont devenus classiques : À quoi bon la richesse ? et Je suis modeste et soumise.
Mlle Chevalier et Mme Franck-Duvernoy ont fait assaut de coquetterie. Cette dernière a enlevé haut la main toutes les difficultés vocales dont le duo du second acte est hérissé. La voix de Mme Franck-Duvernoy s’adoucit en même temps que sa méthode devient plus sûre.
M. Nicot a fort bien nuancé sa romance, – dans la demi-teinte. Quant à M. Villars, qui s’était essayé aux concerts Pasdeloup, il me parait doué d’une voix de baryton bien timbrée.
J’attendrai une autre occasion pour le mieux juger.
Mlle Julia Potel est une toute jeune fille à qui les excellents conseils de Mme CarvaIho réservent un brillant avenir.
Elle a débuté dans un rôle particulièrement favorable à ses moyens.
Diction correcte et bonne ; mais l’organe n’a pas encore acquis tout le développement voulu. Il serait dangereux de surmener cette nature délicate et pleine de promesses : songez donc, Mlle Potel n’a pas dix-huit printemps.
Au second acte, on a intercalé un ballet, les Saisons, sur des motifs de Lulli. Les costumes des danseuses sont, comme ceux de tous les artistes, du reste, d’une grande richesse. Si les amateurs de mollets ne sont pas contents, par contre, les ballerines qui n’en ont pas seront enchantées, car la robe longue et dans le style ne laisse apercevoir que des pieds plus ou moins mignons.
En somme, succès.
CH. DE HORION.
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Nicolò ISOUARD
/Charles-Guillaume ÉTIENNE
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date de publication : 18/09/23