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Xavière de Dubois

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Xavière est une exquise idylle cévenole du grand peintre rustique qu’est M. Ferdinand Fabre. C’est une suite de tableaux tantôt larges, tantôt d’une délicatesse singulière, où il y a un sentiment intense de la nature. Qui ne se souvient, notamment, de cette évocation où M. Ferdinand Fabre a mis toute sa puissance d’artiste littéraire, de la fête des châtaignes, les « batteurs » arrivant en foule, un brin de verdure à la main, pour se louer durant le temps de la récolte, et entonnant religieusement la vieille complainte, d’une poésie à la fois gaie et triste, comme a plupart des chants populaires, où l’effort, la peine, poussent leur gémissement à travers la dure faim satisfaite ?

Ce n’est pas sans quelque étonnement qu’on a pu voir ce maître livre, tout de subtile pénétration, transporté à la scène. Malgré l’expérience et l’habileté du librettiste, presque tout ce qui fait son charme risquait de s’évanouir. Ce gracieux et touchant sujet même ne pouvait demeurer intact. Dans le livre, Xavière, éprouvant tout enfant les pires détresses d’âme, consolée seulement par une amitié qui n’est que le premier balbutiement de l’amour, est une fillette de treize ans. Il a fallu, naturellement, vieillir un peu les personnages. Le dénouement, si émouvant, si douloureux, a été aussi modifié : Xavière ne meurt plus, elle se marie au contraire, et par là ce drame paysan perd-il sa signification. J’imagine que M. Ferdinand Fabre a dû être un peu étonné des « nécessités » scéniques qui arrivaient à donner à son délicieux conte un sens tout opposé à celui qu’il avait, et qui métamorphosaient jusqu’au chant ingénu des batteurs.

La pièce se résumé donc en ceci : [résumé de l’intrigue].

Nous confessons avoir peine à comprendre qu’il soit indispensable de changer du tout au tout le caractère d’une œuvre parfaite pour qu’elle inspire un musicien.

L’« inspiration » de M. Théodore Dubois n’est pas, d’ailleurs, d’une richesse qui justifie ces bouleversements. L’auteur d’Aben-Hamet et de la Farandole est, incontestablement, un musicien expert, comme doit l’être un professeur du Conservatoire. Mais il est, le plus souvent, assez froid, et on donnerait volontiers un peu de sa correction impeccable pour quelques élans inspirés. Sa partition est très bien écrite, mais elle dégage peu d’émotion. Elle est loin d’avoir la couleur que sut épandre le romancier dans l’œuvre primitive. Les idées originales y sont rares, les motifs pittoresques s’y rencontrent peu fréquemment, bien que l’occasion en fût offerte par le livret au compositeur, sacrifiant le mouvement dramatique à la distinction, à l’honnête science qui lui est propre. Ce qui fait là défaut, même dans des pages élégantes et bien venues, c’est l’accent. On en souhaiterait dans la légende de François d’Assise, dans la fête des batteurs, dans des chansons rustiques, où on ne trouve guère que de gracieuses phrases mélodiques. C’est une œuvre agréable et sans passion. On lui saurait plus de gré d’une sincérité même un peu rude.

M. Fugère, comédien et chanteur d’expérience, a composé avec une certaine largeur le personnage du bon doyen Fulcran. Mlle Dubois, qui s’est bravement accommodée de coiffer l’humble bonnet cévenol, s’attache louablement à jouer. Elle manie avec prestesse une voix par instant un peu sourde, mais qui n’est point rebelle même à des vocalises légèrement démodées. Elle a eu un assez vif succès personnel. M. Clément est, comme à son habitude, chanteur de goût. M. Isnardon a dessiné assez curieusement la silhouette du cauteleux maître d’école. M. Badiali a tenté de faire revivre, même en dépit du poème, l’originale silhouette du pâtre Galibert. Il faut dire encore la sûreté d’expression de Mlle Chevalier et la bonne grâce de Mlle Leclerc. Mlle Lloyd a du mal à paraître passionnée et farouche.

L’ouvrage a été monté avec soin, et le décor du deuxième acte, notamment, est d’un heureux effet.

P. G.

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(1837 - 1924)

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Louis GALLET

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date de publication : 15/09/23