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Lancelot de Joncières

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Le fameux roman de Lancelot du Lac – qui sert de cadre à la nouvelle œuvre de M. Victorin Joncières – appartient au cycle poétique du roi Arthur ou Arthus de Bretagne, à cette série de compositions fabuleuses qui sous le nom de pommes de la Table ronde succédèrent au XIIᵉ siècle, aux récits fabuleux des aventures de Roland et des douze pairs de Charlemagne.

Les Bretons d’Angleterre, refoulés par l’invasion saxonne, rapportèrent au VIᵉ siècle, dans l’Armorie, leur pays d’origine, les traditions historiques et légendaires de la vieille Celtique. Les bardes-bretons, dont plusieurs poèmes sont arrivés jusqu’à nous, chantaient les combats héroïques que le bon roi Arthus et ses chevaliers avaient soutenus contre les Barbares. Leur imagination poétique transforma, peu à peu, la figure du chef béton qui devint l’idéal de la chevalerie celtique.

Le Roman de Brut, l’un des plus curieux monuments de notre vieille littérature, écrit en langue vulgaire par Robert Wace qui l’offrit à Éléonore de Guyenne en 1155, groupa toutes ces légendes et fut le point de départ d’un nouveau cycle pour la poésie française.

Le roi Arthur y est présenté comme le type du parfait chevalier ; il tient chaque année, aux grandes fêtes religieuses, une cour plénière à Caerlon, entouré de la fine fleur des rois, comtes, barons et chevaliers de l’Europe. Il crée, pour unir ses compagnons, l’ordre de la Table ronde, dans lequel tous les chevaliers élus sont les égaux, les pairs du roi.

C’est du poème de Robert Wace que sortirent les romans du Roi Arthur, de l’Enchanteur Merlin, du Saint-Graal, de Perceval le Gallois, de Tristan le Laonnais et enfin le fameux roman de Lancelot du Lac qui fut l’un des plus appréciés par les lettrés de l’époque.

Qui est l’auteur de ce roman ? On l’ignore. Tout ce que l’on sait c’est que Gautier Mapp, le traduisit en langue française sur l’ordre de Henri II, mais le manuscrit latin original n’existe plus.

MM. Louis Gallet et Édouard Blau ont tiré de ce roman un livret qui manque totalement d’intérêt parce que les faits et gestes de leur principal personnage Lancelot échappent à l’action qu’ils nous présentent.

Le public s’intéresse fortement aux aventures de Sigurd, du Tannhæser et du Cid – pour ne citer que ceux-là – parce que ces héros accomplissent quelques-uns de leurs exploits sous ses yeux. Les chœurs racontent bien que Lancelot est brave entre les braves, qu’il est un preux chevalier, modèle de toutes les vertus ; mais on ne comprend pas un traître mot de leurs explications préparatoires, et quand monseigneur Lancelot se met de la partie, il ne nous offre que l’image d’un vulgaire amant d’alcôve, qui trompe son seigneur et maître, le bon roi Arthus, et qui, en fait d’exploits, se laisse pourfendre, dans la coulisse, par un baron vindicatif dont il a refusé l’accès à la table ronde.

La passion amoureuse de la reine Guinèvre n’intéresse pas davantage, parce que rien n’indique l’origine de cette passion.

Dans le roman, les amours de Lancelot et de la belle reine sont tragiques. La fureur jalouse du monarque, qui condamne la coupable au bûcher, donne une grande allure à l’action et l’on se passionne pour Lancelot qui vient délivrer Guinèvre, qui s’enfuit avec elle et qui la défend ; dans le château de Joyeuse-Garde contre les barons du roi.

Les librettistes ont adopté un dénouement moins dramatique : Ils transforment le roi Arthus en bon pasteur protestant et le font venir dans le cloître où la reine s’est retirée, pour lui débiter un édifiant sermon et lui annoncer que si elle est bien sage désormais son âme sera purifiée et Dieu la recevra dans son paradis.

[extrait de ce passage].

C’est touchant !

La partition de M. Victorin Joncières a évidemment subi l’influence monotone de ce livret, car elle est aussi terne que possible.

Elle appartient, d’ailleurs, à une formule dont les tendances de l’école moderne, et les œuvres de Wagner, ont déshabitué, depuis plusieurs années, le public de notre Académie de musique.

Cette partition comporte cependant quelques pages de belle venue telles que le duo du deuxième acte entre Lancelot et Guinèvre, le récitatif du comte Alain au deuxième acte et le duo d’Elaine et de Lancelot qui suit ce récitatif. L’acte du couvent contient également de jolies phrases et la scène du pardon, admirablement chantée par M. Renaud et Mlle Delna, a une réelle valeur musicale : mais l’orchestration est d’une maigreur cadavérique et je crois bien que le ballet, fort mal réglé, retraçant l’enfance et l’éducation de Lancelot, ne fera pas date dans les annales de la chorégraphie.

Par exemple ce qu’il convient de louer, sans restriction, c’est l’interprétation qui est parfaite. M. Renaud donne au roi Arthur une physionomie qui ne manque pas de grandeur et en fait le personnage de premier plan : c’est à lui et à Mlle Delna (Guinèvre) que reviennent incontestablement les honneurs de la soirée.

Les rôles d’amoureuse ne conviennent pourtant guère à Mlle Delna, mais elle rachète son inexpérience par une voix et une science musicale toujours impeccables.

M. Vagues (Lancelot) et M. Fournets (Alain de Dinan) tirent le meilleur parti possible de leur rôle respectif et Mme Bosman (Elaine) mérite des éloges par la façon discrète et effacée dont elle tient sa place.

Enfin, n’oublions pas Mlle Sandrini, qui personnifie la dame du Lac et M. Vidal, qui conduit l’orchestre.

Albert Montel

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Compositeur

Victorin JONCIÈRES

(1839 - 1903)

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Lancelot

Victorin JONCIÈRES

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Édouard BLAU Louis GALLET

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date de publication : 18/09/23