Académie des beaux-arts. Séance annuelle
Académie des beaux-arts.
Séance solennelle. – Ouverture par M. Léonce Cohen. – Rapport sur les envois de Rome et notice sur la vie et les ouvrages de M. Abel Bouet, par M. F. Halévy. – Cantate par M. Bizet.
Le programme de cette solennité est immuable dans sa forme. A deux heures précises, les académiciens font leur entrée, et quelques minutes après, l’orchestre placé au-dessus de leurs têtes immortelles exécute une ouverture composée par quelque jeune musicien dont les lauriers datent tout au plus de trois ou quatre années. Cette ouverture, qui trop souvent n’ouvre rien à son auteur, était cette fois de M. Léonce Cohen, couronné en 1852, et revenu depuis quelque temps de son voyage d’Italie. Qu’en a-t-il rapporté ? Beaucoup d’espérances justifiées par un vrai talent, déjà formé avant son départ de France. Ce jeune homme écrit avec art, avec clarté, avec sagesse : il a l’instinct de la scène, et il l’avait prouvé dans sa cantate de Paul et Virginie. Son ouverture se distingue par une absence complète de prétention ; c’est un morceau agréable, qui se laisse écouter sans effort. On y voudrait des idées plus neuves ; mais M. Léonce Cohen est encore lui-même trop neuf pour en avoir : attendons. […]
En ce qui touche notre spécialité, le rapport contenait une mention honorable des travaux de M. Barthe, lauréat de 1853, qui a composé un opéra italien et un Te Deum, ainsi que de ceux de MM. Léonce Cohen et Galibert. De plus, il annonçait une bonne nouvelle, que nous sommes heureux de reproduire. Un de ces riches amateurs qui savent noblement user de leur fortune au profit de l’art et des artistes, M. Édouard Rodrigues, a eu l’idée de fonder pour quatre années un prix de 1,500 fr., qui sera décerné par l’Académie au meilleur morceau choral dans le genre sacré, de préférence à tout autre. M. Édouard Rodrigues espère que cet encouragement favorisera une branche de composition trop peu cultivée chez nous. Puisse le génie inconnu répondre à son appel ! […]
Il est plus que temps d’arriver à la cantate. Ordinairement on exécute celle qui a obtenu le premier prix, mais comme il n’y en avait pas cette année, on a exécuté celle qui méritait le second. Permettez : à défaut de second prix, passerait-on à l’accessit ? La question vaut la peine qu’on y songe, car enfin les premiers prix ne sont pas déjà trop bons pour une réunion comme celle qui siège à l’Académie. En général, l’inconvénient des prix, c’est que dès qu’on en a institué un, il faut absolument qu’on le distribue, sous peine d’être accusé d’injustice, de sévérité, de barbarie. Et voilà comment nous avons à Paris tant de lauréats sans ouvrage ! Donc, il nous semble que l’Académie ne saurait trop s’armer de courage, pour éviter la surabondance des prix et des exécutions. Ceci ne s’adresse pas à M. Bizet, qui, peut-être, l’année prochaine, obtiendra un premier prix ; mais eût-il donc perdu beaucoup à n’être exécuté que dans douze mois ? L’Académie ne saurait être un théâtre d’essai, où les jeunes musiciens viennent s’entendre et se juger. N’ont-ils pas le Conservatoire pour leur rendre cet office ?
Le texte poétique fourni à M. Bizet avait pour titre David, et pour auteur M. Gaston d’Albano, dont le nom est beaucoup plus masculin que le sexe. Le sujet de David chantant pour calmer les fureurs de Saül est fort beau, mais il n’est pas moins dangereux que celui d’Orphée ou d’Apollon : que de génie ne faut-il pas pour faire chanter de tels personnages ? Aussi l’endroit le plus faible du jeune musicien est-il précisément celui qui aurait dû être le plus fort. Les trois couplets de David n’ont pas produit sur l’auditoire le même effet que sur le roi d’Israël. Les premières parties de la cantate sont préférables : on y a remarqué des récitatifs, quelques phrases de l’air de Michol, et le second ensemble du duo de Michol et David. Trois artistes de l’Opéra-Comique, Jourdan, Battaille et Mlle Henrion, chantaient les trois rôles obligés, et M. Battu, du grand Opéra, dirigeait l’orchestre. Le jeune musicien leur doit des remerciements, auxquels nous joindrons bien volontiers les nôtres.
Paul SMITH.
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David (Gaston d'Albano)
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date de publication : 21/10/23