Les premières. Le Roi d'Ys
LES PREMIÈRES
Théâtre national de l’Opéra-Comique, — Le Roi d’Ys, opéra en trois actes et cinq tableaux, d’après une légende bretonne. Poème de M. Ed. Blau, musique de M. Ed. Lalo.
L’espace me manquant, je n’approfondirai pas cette fameuse question de savoir si l’on doit écrire le Roi d’Ys, avec un y, ou le Roi d’Is, avec un i. Question grave et intéressante cependant, car en faisant de notre chère Lutèce l’égale de la ville d’Is, on lui donnait le nom qui consacrait cette égalité, Par-ls.
Le poème de la pièce nouvelle qui nous occupe, a été choisi par M. Ed. Blau dans les légendes bretonnes toujours si attachantes et toujours si poétiques.
Lorsque le rideau se lève, le théâtre représente la terrasse du palais des Rois d’Ys. À gauche les jardins ; à droite l’entrée du palais précédé d’un vaste escalier de granit ; à l’horizon : la mer. Noël ! Noël ! crie le peuple dans son allégresse ; c’est l’heure où le roi met la couronne d’or au front de son enfant, où le prince Karnac va conduire à l’autel la belle Margared. Mais ce n’est point le prince Karnac qu’aime Margared, c’est Mylio, qu’un navire emporta et qu’on croit perdu à jamais.
Elle l’attend. Elle l’appelle et voici que soudain Mylio paraît délivré, par la victoire, d’une longue captivité, car Mylio est un guerrier fort et puissant. Bien entendu le mariage avec le prince Karnac est rompu et la guerre va recommencer encore plus terrible.
Mais Mylio est aimé aussi de la princesse Rozenn, la sœur de Margared et cet amour est partagé.
De la jalousie à la vengeance, il n’y a qu’un pas, et de la vengeance au crime presque rien du tout.
Margared que l’apparition subite et terrifiante de Saint-Corentin ne peut débarrasser de ses noirs et infernals projets, donne au prince la clé qui sait ouvrir les écluses. C’est l’immersion complète de ses habitants.
Que lui importe ! C’est la mort de Mylio, c’est la mort de Rozenn, c’est la coupe du bonheur enlevée de leurs lèvres presque déjà unies.
Et Margared comme éperdue par la douleur met à exécution son horrible dessein. Mais il faut une victime pour arrêter le flot vengeur grandissant, et elle se jette dans la mer qui soudain se calme et à la place où se trouvait Margared se dresse Saint-Corentin, enveloppé dans un rayon lumineux.
La partition écrite par M. Lalo sur ce sujet intéressant est une œuvre tout à fait supérieure. Les idées en sont belles, la forme en est élevée. C’est l’émotion, et non la convention ou la science seule, qui a dicté toutes ces pages attachantes et vraiment inspirées. Je n’ai pas besoin de louer l’orchestration. Chacun sait que M. Lalo est un maître symphonistes.
Citons parmi les morceaux les plus remarquables : le duo des deux femmes au premier acte : le quatuor du second acte dont le second tableau contient la scène capitale de l’apparition dont la simplicité ajoute encore à la beauté.
Quant au troisième acte, tout y est digne d’être loué, absolument depuis la noce bretonne jusqu’à l’inondation, effrayante de vérité.
L’interprétation est excellente. MM. Talazac, Bouvet, Cabolet, Fournets, Mmes Deschamps et Simonnet, tous sans oublier l’excellent orchestre de M. Danbé, ont rivalisé de talent et de zèle.
Francis Thomé
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Le Roi d’Ys
Édouard LALO
/Édouard BLAU
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date de publication : 02/11/23