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Chronique musicale. Déjanire

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Chronique musicale
THÉÂTRE DE L’OPÉRA. Première représentation de Déjanire, opéra en quatre actes, poème de Louis Gallet et Saint-Saëns, musique, de Camille Saint-Saëns. 

M. Camille Saint-Saëns est incontestablement le plus grand musicien de ce temps ; il n’a d’égal dans aucun pays. Âgé aujourd’hui de 76 ans, il offre le spectacle d’une activité intellectuelle que les années n’ont pas touchée. Quand on songe aux œuvres considérables que ce grand maître a écrites dans tous les genres de la musique, – musique de chambre, symphonies, musique dramatique, etc., – on se sent pris pour lui de la plus respectueuse admiration. Ajoutez à cela que sa curiosité intellectuelle est infatigable, et que, comme le disait si bien Hans de Bulow, « il n’est pas de monument artistique, de quelque pays ou époque que ce soit, que Saint-Saëns n’ait étudié à fond ». 

C’est à cette curiosité artistique que nous devons Déjanire.

M. Saint-Saëns a, en effet, toujours particulièrement affectionné les sujets antiques. N’est-il pas l’auteur de Phryné, d’Hélène, de Parysatis, des Barbares, et, dans le domaine symphonique, de la Jeunesse d’Hercule et du Rouet d’Omphale ?

Il était donc tout indiqué qu’il fût tenté par la légende de Déjanire.

Celle-ci, primitivement, avait fait l’objet d’une tragédie de Louis Gallet pour l’objet d’une tragédie de Louis Gallet pour laquelle M. Saint-Saëns avait écrit des chœurs et des préludes. L’œuvre fut représentée aux Arènes de Béziers et obtint un succès triomphal. Puis elle fut jouée à Paris au théâtre de l’Odéon.

C’est cette tragédie de Louis Gallet que M. Saint-Saëns a lui-même remaniée avec le goût littéraire le plus sûr, et qu’il a transformée en opéra en quatre actes dont voici, très brièvement raconté, le sujet : 

Après avoir longtemps combattu glorieusement, Hercule est venu à Œchalie chercher un repos bien gagné. Il a auprès de lui sa captive Iole, fille du roi Eurytos qu’il a tué. Il aime Iole, mais il ignore que la jeune fille, à son tour, aime Philoctète et qu’elle en est aimée.

Hercule veut épouser Iole malgré les sages et terribles avertissements de Phenice, la prophétesse, et répudier Déjanire. Celle-ci supplie son époux, le menace, puis semble accepter son malheureux sort. Mais il n’en est rien. Elle est décidée à empêcher Hercule d’épouser Iole, de tuer Philoctète en qui il a reconnu un rival, et de la chasser, elle Déjanire. Pour atteindre son but, elle apporte à Hercule un redoutable présent : la tunique de Nessus qui, dès que le héros l’a revêtue, le fait périr dans les plus atroces souffrances. Hercule prendra place parmi les Dieux de l’Olympe.

Tel est le drame sur lequel M. Saint-Saëns a écrit la partition la plus noble et la plus élevée. L’œuvre repose sur des assises musicales de la qualité la plus rare. Nulle trame symphonique n’est plus solide et à la fois plus légère que celle de ces quatre actes qu’il faut admirer sans réserves. Les personnages de Déjanire, d’Hercule sont dessinés par M. Saint-Saëns avec la plus puissante émotion, et, quant à celui d’Iole, il est empreint de la grâce la plus pénétrante. Les danses, fort bien réglées, contiennent des rythmes exquis. Enfin, l’orchestration de M. Saint-Saëns reste ce qu’elle a toujours été, c’est-à-dire admirable. La maîtrise de ce grand musicien est incomparable.

L’interprétation mérite tous les éloges : Mme Litvinne a fait de Déjanire une création magnifique. Elle s’y manifeste chanteuse merveilleuse et tragédienne pleine d’intelligence et d’émotion. M. Muratore est un Hercule plein de fougue et de passion. Mlle Yvonne Gall est une Iole gracieuse et touchante. Citons encore Mlle Charny et M. Dangès qui complètent un excellent ensemble.

La direction de l’Opéra a monté l’ouvrage de M. Saint-Saëns avec un goût parfait. Et M. André Messager conduit l’œuvre de son maître avec un soin et une fidélité dans l’expression qui en font pleinement valoir toute la beauté et toute la noblesse. 

Albert MONTEL. 

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(1835 - 1921)

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date de publication : 02/11/23