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L’Œil crevé

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Section de l’opérette, nous nous retrouvons en présence de

L’ŒIL CREVÉ

Bouffonnerie d’Hervé, restauration d’Hector Crémieux.

Vraiment, on ne respecte plus rien à notre époque. Tandis que le monde artiste apprend avec stupeur qu’une municipalité barbare se dispose à moderniser Venise la Belle, à y construire des maisons à quatre étages et à y dessiner des squares, à mettre bas les vieux ponts et à porter une main sacrilège sur Saint-Marc même, — acte monstrueux de vandalisme, — voici qu’à Paris on s’attaque à l’Œil Crevé, une des gloires de la vieille opérette. Le voilà mis au goût du jour.

À quand le tour du Cid ? Car enfin l’Œil Crevé, c’était le classique dans la folie, une énigme dont Œdipe, lui-même, n’aurait pas trouvé le mot. Bien des fois on avait essayé de commencer par le 3e acte ; puis par le second : mais ce n’en était pas plus compréhensible pour cela. L’auteur, lui-même, avait renoncé à pénétrer le sens de son œuvre.

Et voici que tout à coup un téméraire s’avise d’en découvrir le fond. Il y avait un fond dans l’Œil Crevé ! Quel plongeur que cet Hector Crémieux ! Il a porté partout la lumière, il a poli les aspérités, il a expliqué les situations, il les a reliées par un fil, léger sans doute (ce n’est pas un câble), mais suffisant. Bref, il a fait de l’Œil Crevé une de ces opérettes sucrées, qui ont la vogue aujourd’hui. On a parfumé le gendarme Gérômé, on a habillé de soie le vieux bailli, on a pomponné le petit ébéniste, Alexandrivore lui-même a pris du monde ! Et nous renonçons à décrire les falbalas de Fleur-de-Noblesse et de la majestueuse Marquise.

Dans son œuvre de restauration, M. Hector Cremieux a trouvé un collaborateur précieux en M. Koning, un rajeunisseur de premier ordre. Il faut voir comme il a fait la barbe à toute la vieille mise en scène. C’est net maintenant, pimpant, luxueux et d’un goût irréprochable.

La partition du maestro Hervé est restée fraîche comme au premier jour ; elle s’est même enrichie, pour ses nouveaux interprètes de quelques morceaux inédits, dont nous avons surtout retenu une mélodie expressive pour Mlle Jane Hading, et des couplets humoristiques pour Desclauzas, qu’on a voulu entendre trois fois.

L’interprétation est très satisfaisante. Vauthier ne fait pas oublier Milher, mais quelle marquise étourdissante que Mlle Desclauzas ! Elle a été la joie de la soirée, avec Jolly, un bailly bien fin, et la petite Milly Meyer, un travesti fort déluré.

Le ténor Alexandre s’est fait justement applaudir et bisser dans sa tyrolienne. — Mlle Jane Hading nous représente une Fleur-de-Noblesse gracieuse et jolie au possible. Mais la voix nous a semblé altérée. Vite une saison au Mont-Dore, mademoiselle ! Le Mont d’or ! N’est-ce point là le rêve des cantatrices petites ou grandes. 

H. MORENO

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Journaliste, Éditeur

Henri HEUGEL

(1844 - 1916)

Compositeur, Organiste, Ténor, Directeur de théâtre

HERVÉ

(1825 - 1892)

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date de publication : 16/10/23