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Premières représentations. La Fille de Madame Angot

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Premières représentations.
La Fille de Madame Angot. Bruxelles, le 4 décembre, minuit.

Le théâtre des Fantaisies-Parisiennes — autrefois l’Alcazar — a eu hier une première représentation dont se serait fort bien accommodée l’une ou l’autre de nos scènes de genre parisiennes. La Fille de Madame Angot, l’opéra-bouffe nouveau de M. Lecocq, paroles de Clairville, Siraudin et Koning, sera un des grands succès de la saison, et, s’il est vrai que M. Cantin se soit déjà entendu avec M. Humbert, la direction des Folies-Dramatiques, passant d’Héloïse à la Fille Angot, pourra s’écrier, comme feu Nicolet : de plus fort en plus fort ! Non pas comme grivoiseries sans doute, mais comme partition musicale et comme libretto intéressant et gai, sinon croustillant et débraillé.

À vrai dire, la Fille de Madame Angot est plutôt un opéra-comique qu’un opéra bouffe ; mais c’est, en tout état de cause, un opéra-comique de la bonne marque. La musique que M. Lecocq a brodée sur le thème élégant et coquet à lui fourni par Clairville et Siraudin, est ravissante : musique légère mais travaillée de main de maître, courant alerte par les sentiers capricieux d’une improvisation toujours vive et souvent originale ; musique élégante aussi, conservant en tous ses méandres fantaisistes un cachet de distinction et de bon ton qui n’est pas sans lui donner une saveur toute spéciale. Parmi les morceaux les mieux réussis — si dans cette partition charmante il en est de plus ou moins bien réussis — il faut citer : la ronde de la mère Angot, un finale d’un brio du diable, un duo d’amour, un petit chœur de femmes, un chœur de conspirateurs et enfin une valse chantée et dansée qui termine le second acte d’une façon toute originale et toute gracieuse.

J’en passe et des meilleurs, notez-le. 

La donnée de la Fille de Madame Angot met en scène les héros ridicules et les héroïnes court-vêtues de la période la plus cascadeuse du Directoire : Mlle Lange de Larivaudière, Ange Pitou le chansonnier et personnage fantaisiste, la fille de cette Madame Angot qui, partie du carreau des Halles, s’en fut échouer dans le sérail du Grand-Turc. C’est l’histoire d’une rivalité d’amour entre la comédienne Lange et Clairette (la fille Angot), rivalité d’amour dont Ange Pitou est la cause. Pareil cadre, on le conçoit de reste, prête à merveille à la mise en scène et aux costumes : ceux-ci — dessinés par Grévin — sont admirablement réussis et celle-là est toute battant neuve. M. Humbert a fait de grands frais pour monter la pièce nouvelle ; c’est de l’argent placé à gros intérêts d’ailleurs. 

L’interprétation de la Fille de Mme Angot est excellente. Mlle Esclausas, engagée tout exprès, joue le rôle de Mlle Lange avec talent et le chante en artiste accomplie. Son succès, très vif, est partagé par M. Mario Widmer (Ange Pitou), Mlle Luigini (la fille Angot) et M. Jolly qui représente très gaiement le personnage du perruquier de l’époque. L’orchestre et les chœurs ne laissent rien à désirer, et sauf peut-être quelques petits rôles qui manquent de relief, les interprètes bruxellois de l’œuvre nouvelle tiendraient très honorablement leurs places sur quelque scène parisienne.

En somme, succès sur toute la ligne ; victoire complète sur la « terre étrangère » en attendant la rentrée triomphale de Mlle Angot en sa bonne ville de Paris.

Gustave Lemaire

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Compositeur

Charles LECOCQ

(1832 - 1918)

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La Fille de Madame Angot

Charles LECOCQ

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CLAIRVILLE Victor KONING Paul SIRAUDIN

Permalien

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date de publication : 31/10/23