Trois Morceaux op. 51

La réunion de ces trois morceaux peut sembler hétéroclite. Publiés séparément, on créa tout d’abord au piano en décembre 1879 la Marche funèbre et la Brésilienne avant l’audition à l’orchestre de la Kermesse en février 1880. Celle-ci fut un réel succès populaire, « objet d’une ovation enthousiaste et de trois rappels », « une des compositions les mieux réussies de M. Godard ». L’enchainement des différentes séquences, tels de petites scènes, donne à Godard l’occasion de faire la démonstration de sa verve mélodique : pas moins de quatre thèmes principaux et trois éléments secondaires jalonnent cette Kermesse, certains bien caractérisés par l’instrumentation : le deuxième thème est systématiquement dévolu aux cuivres et le troisième aux hautbois, par exemple. La structure ternaire de l’œuvre ressort aisément, avec sa valse centrale, mais l’analyse détaillée laisse entrevoir une organisation plus complexe, où chaque thème est exposé trois fois chacun. Le travail thématique le plus saillant concerne le troisième thème qui apparaît à la fin de la valse dans une combinaison polyrythmique. Moins développée que cette Kermesse, la Brésilienne alterne plusieurs fois trois thèmes sans modification (à une transposition près pour le deuxième) dont les différences d’orchestrations font l’intérêt. L’accueil de la Marche funèbre fut tout autre : on la vit comme « l’une des œuvres les moins réussies du jeune compositeur, ordinairement mieux inspiré ». Créée au cours d’un concert spirituel, Vendredi saint 1881, le public de Colonne fut alors tapageur et hostile pour une grande partie du programme. L’œuvre de Godard put dérouter car elle ne répondait pas aux conventions d’une marche funèbre. Trop lente pour être une marche, c’est surtout l’absence de trio central qui dut déplaire : il aurait permis un changement de couleur attendu dans une page écrite « dans la tonalité grégorienne » (sans note sensible). La pièce eut plus de succès en province où l’on en comprit « le caractère à la fois majestueux, religieux et saisissant. »