Maître Péronilla aux Bouffes-Parisiens
MAITRE PÉRONILLA AUX BOUFFES-PARISIENS.
Offenbach vient de pousser sa première note nouvelle de l’hiver, et c’est un son de castagnettes. Voilà qui s’appelle saisir l’actualité au vol : et au moment où l’estudiantina madrilène révolutionne tout Paris, il n’est pas maladroit de nous transporter en pleine Ibérie, au milieu des séguedilles et des fandangos. On peut s’étonner que le maître de l’opérette fasse cette année si tard son apparition ; c’est que la fatalité s’en est mêlée. Les cartons du fécond compositeur débordaient comme toujours. Mais, au moment où l’on allait s’occuper des Contes d’Hofmann au Théâtre lyrique, la pauvre scène martyre succombait ; Madame Favart aux Folies-Dramatiques attend toujours que les Cloches de Corneville aient cessé leur branlebas si prolongé. Et voilà que les Variétés prouvent avec la Cigale et avec Niniche, dont les recettes continuent à tenir du prodige, qu’elles n’ont que faire de la musique. Il était question aussi d’une grande féerie du maître pour la Gaîté avec MM. Meilhac et Halévy, l’Oiseau bleu, et cependant on n’y parle plus que du Chat botté, de M. Tréfeu. L’année est donc particulièrement néfaste pour un auteur habitué à occuper trois ou quatre scènes.
M. Comte aura-t-il donc le monopole de son beau-père pour cet hiver ? Ce serait une bonne fortune, à l’approche de l’Exposition. La verve du maître est, en effet, toujours bien fine et bien abondante. Quelle inspiration délicieuse, quelle perle que cette malaguena du 2e acte de Maître Péronilla ? MM. les étudiants de Salamanque peuvent scruter tous les recoins de leur merveilleuse patrie si féconde en boléros, ils ne trouveront pas le pareil. Il y a plus d’Espagne dans le cerveau d’Offenbach que dans l’Espagne même, comme il y avait assurément plus d’Orient dans l’imagination du pauvre Félicien David qu’aux environs du canal de Suez.
On pourra bien aussi fouiller toutes les universités espagnoles, avant de trouver deux étudiants tournés comme Mmes Peschard et Paola Marié, nous pouvons l’avancer sans offense pour les hôtes madrilènes qui ont entrepris la tâche difficile de ranimer le carnaval de Paris.
Nous venons de voir Offenbach affublé en Hidalgo de pure roche avec sa Malaguena, nous le retrouvons au final de son 2e acte sous le manteau d’un fils de la blonde Germanie. Ce final, en forme de valse, nous paraît, en effet taillé dans le plein drap des compositeurs viennois. C’est la même musique insinuante, à la fois pleine de vague poésie et pourtant de rythme rigide.
Nous avons cité là les deux morceaux marquants de l’ouvrage ; il y en a d’autres sur lesquels nous passons, qui mériteraient cependant qu’on s’y arrêtât, comme la ballade de Mme Girard, par exemple, et bien des ensembles finement combinés.
À côté de Mme Peschard et de Paola Marié, deux fauvettes ou plutôt deux caillettes bien en point, débutait un troisième oiseau de bien joli plumage, Mlle Humbert, sorte de fausse Théo qui pourra un jour avoir la vogue de sa devancière.
Daubray et Jolly forment un duo de comiques exhilarants, d’où la finesse n’est pas exclue.
H. Moreno.
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Jacques OFFENBACH
/Jacques OFFENBACH
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date de publication : 16/10/23