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Opéra. Namouna

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Opéra. — Namouna, ballet en deux actes et trois tableaux, de MM. Nuitter et Petipa, musique de M. Edouard Lalo.

Namouna est une belle esclave qu’un forban, après avoir perdu dans un casino de Corfou toutes ses parts de prises, se décide à jouer sur un coup de dé. Adriani perd encore cette dernière partie et Don Ottavio, son vainqueur, pris d’une générosité subite, déclare à Namouna qu’il lui rends liberté, refusant même de la regarder, par vertu, et lui faisant cadeau par surcroît d’un lot de cassettes remplies d’or et de pierreries. Et, comme de juste, Namouna s’éprend d’un beau feu pour celui qui la dédaigne et se mêle mystérieusement à sa vie.

Au second tableau, elle use de ses pointes les plus solides pour se jeter au travers des épées tirées, pour empêcher Adriani d’égratigner son bel Ottavio. Elle démontre par des gestes très éloquents l’indignité d’Helena-Invernezzi à laquelle Ottavio donne des sérénades Enfin, elle le tire si galamment d’un guet-apens tendu par le féroce Pluque-Adriani que, touché par tant d’amour, don Ottavio-Mérante se rend à discrétion et se laisse gentiment enlever.

Le dernier tableau se passe dans une île enchantée de l’Archipel. C’est là qu’Ali-Cornet détient les plus belles esclaves de tout l’Orient. Grave imprudence ! car les corsaires qui pullulaient au dix-septième siècle dans ces parages ne devaient pas se gêner pour y venir, le sabre en main, renouveler leur sérail gratis. Mais, tout d’abord, ce n’est pas un corsaire qui aborde dans l’île. C’est Ottavio transformé en Pallicare, on ne sait trop pourquoi, et Namouna qui vient se payer une fantaisie.

Ancienne pensionnaire d’Ali, elle a songé à ses compagnes et vient les racheter en bloc à un brocanteur, sans trop se préoccuper de ce que vont devenir ces belles créatures, jetées sur le pavé de Corfou ou le sable de l’Attique. Seulement, elle a conclu à peine le marché que des forbans sont signalés au large et bientôt débarquent avec des airs féroces.

Pour les calmer et les dompter, on leur danse des pas variés, on les désarme en se jouant, on les enivre. Adriani, qui est leur chef naturellement et qui, par privilège du gradée sans doute, porte mieux le vin de Chypre mêlé d’opium, fait mine de vouloir s’opposer à coups de pistolet à l’embarquement de Namouna et d’Ottavio. Mais Andricklès est là qui veille, Andricklès le compagnon, le serviteur ou le page dévoué de Namoula, on ne sait trop. Andricklès se fâche et, le plus gentiment du monde, avant que le doigt du forban n’ait pressé la gâchette, lui administre sous le sein gauche un coup de poignard qui le met à la raison et par terre.

Sur ce thème peu nouveau, M. Petipa a dessiné une foule d’incidents qui ne manquent pas d’originalité. Le Pas des épées, la Fête des palmes, la Charmeuse ont été remarqués. La Sieste des esclaves et le Divertissement des fleurs ont aussi mérite les applaudissements des connaisseurs. Mais, il faut bien l’avouer, la partie faible, c’est la musique de ce ballet. M. Edouard Lalo est sans doute un symphoniste d’une incontestable valeur. Son Fusque [sic] et son roi d’Ys, qui n’ont jamais vu la rampe, sont, au dire de ses amis, des chefs d’œuvre. Mais en pourront-ils dire autant de Namouna ?

C’est que le ballet est la pierre de touche du compositeur doué de facultés dramatiques. C’est là qu’il faut suppléer à la parole qui manque et se glisser avec habileté et souplesse dans l’oreille du spectateur qui oublie trop l’orchestre pour lorgner les sujets de la danse.

M. Lalo n’a su forcer l’attention que par une cacophonie de cuivre qui était par trop du réalisme forain pour ne pas sembler déplacé à l’Opéra. Deux ou trois phrases mélodiques saisies au passage, le pas dansé par Mlle Subra et par ci par là des idées ébauchées mais aussitôt interrompues prouvent bien qu’il y a chez l’auteur de Namouna un compositeur de valeur, mais non pas un homme de théâtre ; et je doute fort qu’en dépit de son succès personnel très mérité Mlle Sangalli danse bien souvent Namouna.

Mlle Subra a charmé toute la salle au troisième tableau par sa grâce et sa légèreté pimpante. Voilà des jambes bien spirituelles et cos petits pieds mutins ont dû rappeler à bien d’autres qu’à moi un chapitre adorable des Reisibilders, d’Henri Heine. Avec ces enjambées si aimables on va loin, mademoiselle. Les désirs de MM. Rubé et Chaperon au premier acte, de M. Lavastre au second sont des plus heureux et des mieux réussis.

Maurice Drack

Personnes en lien

Compositeur

Édouard LALO

(1823 - 1892)

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Namouna

Édouard LALO

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Charles NUITTER

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date de publication : 23/09/23