Sémiramis
Il est bien difficile qu’une tragédie réduite en opéra obtienne un succès brillant à la scène lyrique, si la beauté de la composition ne répond pas entièrement à celle du sujet. La Sémiramis que l’on a donné hier pour la première fois au théâtre des Arts a paru laisser beaucoup à désirer, pour être placée au nombre des ouvrages dont la réussite soit complète ; la verve que le compositeur annonce dans presque tout le premier acte, ne se soutient pas dans les deux autres. Les idées de chant et d’accompagnement y sont moins variées, les oppositions moins ménagées, les effets moins frappants. La sévérité des scènes qui prêtent moins à la mélodie a peut-être arrêté les élans du compositeur. La terreur y remplace en effet la pitié : le spectateur perd de vue la passion d’Arsace pour Azéma, et ne voit plus que Ninias prêt à frapper sa mère ; l’intérêt de la première situation peut gagner encore aux charmes de la musique, et à l’éclat de la pompe théâtrale ; mais l’intérêt de la seconde n’est plus du ressort de l’opéra, il appartient tout entier à la scène tragique ; il est nul si on délaye dans une déclamation chantée des incidents qui se pressent pour amener le dénouement. C’est alors que tous les détails d’accessoires dont on veut orner la scène, deviennent déplacés au point de prendre en quelque sorte un air de parodie.
Nous justifierons ces remarques par les développements dans lesquels nous entrerons au prochain numéro. Nous dirons seulement que l’auteur de Sémiramis n’est pas le seul qui ait été séduit par un sujet auquel Voltaire avait donné toute la magie d’un opéra. On donna en 1718 une Sémiramis tragédie lyrique en cinq actes avec un prologue, paroles de Roy, musique de Destouche, et cet ouvrage ne réussit pas.
Celui qu’on a représenté hier, quoique très-imparfait, offre du moins partout les traces d’un véritable talent, et pour le poème ainsi que pour la composition, il est facile de voir que les imperfections ont leur source principalement dans le choix du sujet.
Les auteurs ont été demandés ; ce sont pour les paroles, le cit. Desriaux, avantageusement connu par les poèmes des opéras de Démophon et de la Toison d’or, et pour la musique, le cit. Catel, professeur au Conservatoire. Ce dernier seul a paru. Le citoyen Rolandqui débutait par le rôle de Ninias, et qui donne des espérances flatteuses, a été également demandé, et a recueilli dans les applaudissements du public, des encouragements très-mérités.
B***
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Charles-Simon CATEL
/Philippe DESRIAUX
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date de publication : 16/10/23