Ariane

« Vous connaissez le sujet d’Ariane. Il est classique : Ariane, enlevée par Thésée qu’elle adore, voit peu à peu sa sœur Phèdre la supplanter dans le cœur du héros, et, abandonnée dans l’île de Naxos, se jette dans la mer pour y trouver la mort. Ce sujet, à la fois poétique et philosophique, me hantait depuis longtemps. Et il s’est trouvé qu’il séduisait également Catulle Mendès. » Ainsi se confie Massenet à la presse, peu de temps avant la création de l’ouvrage. Déjà librettiste de Chabrier, Messager, Leroux, Erlanger et Hahn, Catulle Mendès est l’un des fondateurs du Parnasse et un wagnérien de la première heure. Pour Ariane, la dimension symbolique de son écriture convoque un maillage fertile de réminiscences et prémonitions offrant une matière idéale au compositeur. Massenet en adore le poème et débute la composition au printemps 1904. Invité à passer le mois d’août 1905 chez Lucy Arbell, il en revient avec l’acte des Enfers largement étoffé, offrant à la jeune tragédienne le rôle sur mesure de Perséphone. La partition d’Ariane marque par son emploi de la clarinette contrebasse, de la trompette basse, et d’un quatrième trombone, tirant la nomenclature vers le grave et privilégiant les cuivres et la percussion. Sur le plan dramatique, les personnages sont traités comme les allégories d’un antique fantasmé, mais sans que cette stature ne fige les couleurs vocales. Sollicité par Gailhard, Ariane est le cinquième ouvrage de Massenet créé à l’Opéra de Paris. Lucienne Bréval (Ariane), Louise Grandjean (Phèdre), Lucien Muratore (Thésée) et Lucy Arbell (Perséphone) y sont acclamés et l’« air des roses » bissé chaque soir des soixante représentations.