Le Jongleur de Notre-Dame

Dans ses mémoires, Massenet raconte qu’un livret achevé lui est adressé anonymement alors même qu’il vient de se résoudre à ne plus écrire pour le théâtre. Vivement emporté par sa lecture, le « musicien de la femme » se réjouit même de cette pièce sans rôle féminin sinon une apparition muette de la Vierge. Acceptant de mettre le poème en musique, Massenet apprend de son concierge l’identité de son auteur : Maurice Léna. L’histoire remonte aux Miracles de Nostre-Dame de Gautier de Coincy (vers 1218) et à l’adaptation d’Anatole France dans L’Étui de nacre (1892). Le pauvre jongleur, Jean, est recueilli au couvent de Cluny. Comme chacun des moines, il souhaite honorer la Vierge et se met alors à bonimenter devant l’autel. Les moines s’offusquent de cette audace tandis que la statue de la Vierge s’anime et bénit le jongleur qui meurt d’extase. La grande qualité de ce livret aussi naïf qu’audacieux permet à Massenet de livrer l’un de ses plus touchants ouvrages. Un pieux sentiment, mêlé de verve populaire et de douces couleurs archaïques émaillent la partition tout entière. L’Alleluia du vin (Jean) et la Légende de la sauge (Boniface) en demeurent les plus célèbres pages. Désigné par le Prince de Monaco et contacté par le directeur Raoul Gunsbourg, Massenet débute une fructueuse collaboration avec l’Opéra de Monte-Carlo. Le Jongleur de Notre-Dame y est créé le 18 février 1902 avec Adolphe Maréchal (Jean) qui assure également la création française de 1904 à l’Opéra-Comique, aux côtés de Lucien Fugère (Boniface) et André Allard (le Prieur). Profondément attaché à cet ouvrage, Massenet confiera tardivement : « Le Jongleur est ma foi ».