Aller au contenu principal

Histoires naturelles

Compositeur(s) / Compositrice(s) :
Date :
Formation musicale :

1. Le Paon – 2. Le Grillon – 3. Le Cygne – 4. Le Martin-Pêcheur – 5. La Pintade

Il est rare que des mélodies suscitent un tel scandale. Après la création des Histoires naturelles par Jane Bathori et le compositeur au piano, à la salle Érard le 12 janvier 1907, le critique de la Revue musicale (sans doute Auguste Serieyx) s’insurge à l’unisson du public : « Il est difficile de se moquer de la musique et des musiciens à un plus haut degré. » L’indignation provient en premier lieu du choix littéraire : des vignettes animalières en prose, au vocabulaire délibérément trivial, dont les sonorités semblent peu propices à la musique. En second lieu, Ravel renforce la dimension provocatrice des textes de Jules Renard. Il ne met pas en musique les e muets, exige une déclamation rapide dans un style souvent proche du récitatif. Il émaille son harmonie de dissonances mordantes, qui s’exacerbent dans La Pintade, dernière mélodie du recueil, que les interprètent bissèrent par défi le soir de la création. Mais Ravel se moque peut-être de lui-même. Le paon n’est-il pas l’autoportrait ironique d’un musicien tiré à quatre épingles, confiant de façon détournée ses déconvenues sentimentales ? L’activité discrète et secrète du grillon renvoie au travail de l’artiste, qui se dérobe aux yeux du monde. La rencontre du martin-pêcheur rappelle que, lors de son achèvement, une œuvre est souvent éloignée du projet initial. Louis Laloy fut l’un des rares à émettre un jugement subtil et nuancé : « La pensée de Maurice Ravel est naturellement avisée, pénétrante et disposée à s’amuser de ce qui l’émeut […] car il découvre, d’un seul coup d’œil, le comique imprévu et comme la secrète grimace enfermée en toute chose. Et cette légère ironie, loin de diminuer l’émotion, l’avive au contraire et la rend plus poignante. »