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Théâtres. Opéra-Comique. Carmen

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THÉÂTRES
OPÉRA-COMIQUE. Première représentation de Carmen, opéra-comique en quatre, actes, paroles de MM. Meilhac et Halévy, musique de M. G. Bizet. [...]

Lorsque le rideau se lève sur la pièce nouvelle de l’Opéra-Comique, on voit un beau décor représentant une place de Séville. À gauche, un corps de garde occupé par une compagnie du régiment d’Almanza ; à droite l’entrée d’une manufacture de cigares où l’on n’admet que des femmes comme ouvrières. Au fond, un pont reliant deux quartiers de la ville, au loin, la campagne.

Les soldats de garde charment leurs loisirs en glosant sur les passants et plus particulièrement sur les passantes. Cancanniers par désœuvrement, perspicaces par tempérament, ils devinent les intrigues des amoureux qui suivent, avec une apparente indifférence, leurs maîtresses au bras des maris.

Une jeune fille de la campagne se présente et demande si le brigadier José est de service. On lui répond que non, mais qu’il viendra sans doute avec le détachement chargé de relever le poste. À peine la jeune fille s’est-elle éloignée que le détachement annoncé arrive avec José.

C’est l’heure de la rentrée, dans la manufacture de tabacs, des jeunes ouvrières dites « les cigarières de Séville ». Elles accourent, mines éveillées, regards brillants, cigarettes allumées, basquines allant nerveusement de l’une à l’autre hanche par une provoquante saccade des reins. Parmi les cigarières on distingue la gitana Carmen, la plus allurée de toutes.

De loin, elle a reconnu le brigadier José. Celui-ci, sans s’occuper d’elle, est absorbé par la confection d’une chaînette réglementaire. Carmen s’arrête devant José, le considère avec affectation et, partant d’un grand éclat de rire, elle lui jette au visage, en guise de déclaration d’amour, une fleur de grenadier. Cela fait, elle entre vivement à la manufacture dont la cloche d’appel se fait entendre.

Resté seul, José essaie de combattre l’effet que vient de produire sur lui l’action de Carmen. La connaissait-il avant cette rencontre ? S’est-il laissé prendre aux séductions de la sirène de carrefour à qui il a évidemment inspiré un caprice ? C’est ce qu’il est difficile de résoudre, la pièce s’expliquant peu sur ce point. – On voit revenir en scène la jeune fille du commencement : c’est une payse de José, c’est la compagne, le soutien de la mère du brigadier. La jeune et belle messagère s’appelle Micaëla : elle apporte une lettre de la mère et un peu d’argent, fruit des économies de la bonne vieille. La lecture de cette lettre réconforte José et le ramène dans le droit chemin. Sa mère s’étend longuement sur les mérites de Micaëla. C’est la plus adorable des créatures ; ce serait une épouse accomplie pour José... Micaëla, restée à l’écart, sent qu’il est question d’elle ; elle rougit et baisse les yeux. Le brigadier ne lui est pas indifférent ; ce n’est donc pas d’elle que viendraient les obstacles, si en effet le mariage pouvait avoir lieu. José ne paraît pas non plus disposé à créer des difficultés, car il s’attendrit, et finalement il charge Micaëla de déclarer à la mère que ses vœux seront remplis. Micaëla sort la joie au cœur.

Un grand bruit se fait entendre du côté de la manufacture. Les femmes accourent en désordre sur la place en menaçant Carmen qui recule lentement devant elles. Elle leur [en] impose par son attitude résolue. Les soldats interviennent ; le capitaine demande ce qui s’est passé.

On lui explique que l’irritable Carmen a eu une altercation avec une ouvrière ; elle lui a lacéré le visage avec le mince couteau destiné à couper les cigares. Les femmes ont pris parti pour la blessée. Elles portent plainte contre Carmen. « Qu’elle aille en prison ! » s’écrie le capitaine, impatienté des criailleries qui bruissent à ses oreilles. José est chargé de lier les mains de la prisonnière et de la conduire à la maison d’arrêt. Tandis que le brigadier exécute l’ordre, Carmen se met à le fasciner du regard et de la voix. À l’imitation de Marguerite de Bourgogne, elle parvient successivement à faire délier sa corde par son Buridan lui-même, et à se servir de lui pour prendre la fuite, à la barbe des cavaliers ébahis.

Un mois s’est écoulé, Carmen a abandonné la fabrication des cigarettes pour se livrer au métier de contrebandière. Elle est affiliée à une troupe de bohèmes qui se préparent à passer en fraude des étoffes par les sentiers les plus abrupts de la montagne.

Pour le moment, la bande se divertit dans une posada dont le maître est un ami. On boit, on danse ; des officiers de la compagnie d’Almanza, qui était de garde le jour de la querelle des cigarières, se montrent on ne peut plus empressés autour de Carmen et de deux autres manolas.

La coquette Carmen est sur le point d’accueillir leurs offres, lorsqu’elle apprend que José – puni d’un mois de prison pour avoir favorisé sa fuite – vient d’obtenir sa liberté. À cette nouvelle, elle s’arrête rêveuse. Une voix secrète lui dit que l’ex-brigadier – car on l’a dégradé – ne peut manquer de se rendre le soir même à la posada.

Elle refuse donc de suivre le capitaine qui voulait l’emmener et qui se propose de revenir dans une heure, afin d’éclaircir les motifs de cette résistance inusitée de la gitana.

À peine le capitaine et ses camarades se sont-ils éloignés, que l’on entend la voix de José. Il chante la liberté reconquise. La fatalité l’amène à la posada, suivant les pressentiments de Carmen. En l’apercevant, il veut fuir, mais elle le retient. Tour à tour câline et violente, elle emploie pour le subjuguer les ressources multiples de sa nature richement douée. Elle chante, elle danse, elle rit, elle pleure, elle prie, elle s’exaspère. Mais José pense à sa mère, à Micaëla ; ces deux anges protecteurs lui donnent la force de résister aux fascinations du démon.

On frappe à la porte extérieure, c’est le capitaine : il entre et surprend Carmen avec le brigadier ; il ordonne à celui-ci de sortir, car il prétend rester seul avec la gitana. Cette injonction hautaine éveille soudainement la jalousie dans le cœur du soldat. Il refuse d’obéir à son supérieur, bien plus il le provoque. Tous les deux ont leurs sabres de cavalerie : une lutte va s’engager, lorsque les contrebandiers, envahissant la posada, désarment le capitaine, et prennent fait et cause pour José, qui de la sorte est forcé de devenir un des leurs et de les suivre à la montagne.

Là, son servage pour Carmen est complet. La passion a envahi tout son être. Mais Carmen ne l’aime plus. Elle a remarqué le beau torero Escamillo, et elle brûle du désir de devenir sa maîtresse. José jure la perte de son rival : un combat au couteau a lieu entre eux ; la victoire reste indécise. Micaëla survient, et ce n’est qu’avec une peine infinie, et en plaçant sous les yeux de José le touchant tableau des douleurs de sa mère mourante qu’elle parvient à emmener l’enfant ingrat pour recevoir, s’il en est temps encore, une bénédiction suprême.

L’action se dénoue à la plaza de Toros. C’est là qu’Escamillo a donné rendez-vous à Carmen, sa nouvelle conquête, et aux contrebandiers. On assiste au spectacle du passage de la quadrilla traditionnelle composée des chulos, des banderilleros, des picadores, et enfin de l’espada. Puis vient la municipalité, dont la présence excite les railleries populaires.

Carmen arrive, impatiente d’admirer Escamillo. José la guette ; il lui saisit le bras, et la supplie de ne pas le désespérer. Carmen le repousse avec mépris. Alors José, n’écoutant que sa fureur jalouse, frappe Carmen d’un coup de couteau.... Cependant des cris de joie annoncent la victoire d’Escamillo. Rayonnant et fier, il se précipite hors de l’arène pour partager son triomphe avec sa belle maîtresse. Il la trouve morte !

Telle est la donnée du poème. Venons maintenant aux inspirations du compositeur. – Dans le prélude, rien de particulier à signaler. Au début du premier acte, le chœur de la garde montante ne nous a pas paru bien rendu. La rentrée des enfants, à la suite des soldats, est maigre. La chanson de Carmen est d’un rythme bien joli. À remarquer, dans le duo de Micaëla et de José, le dessin de cor sur la phrase en sol. Le chant des cigarières, au moment où elles viennent invoquer la garde, est d’un excellent mouvement ; le finale est bien écrit et d’une sonorité parfaite.

Au deuxième acte, la danse bohémienne rappelle le divertissement pour flûte et harpe de La Jolie Fille de Perth. La chanson, avec son crescendo, est d’un bon effet.

Les couplets du torero ont été le grand succès de la soirée, et cela en dépit de la vulgarité du refrain.

Beaucoup de légèreté et de piquant dans le quintette syllabique « En matière de tromperie !... » Quant à la sérénade on l’a mal entendue à cause de l’éloignement du chanteur. Un morceau très intéressant pour l’art musical, c’est celui qui est chanté et dansé par Carmen, cet air fait harmonie, au second couplet, avec les trompettes placées dans la coulisse où elles sonnent la retraite.

La symphonie de l’entr’acte du second au troisième acte est destinée à être mieux goûtée dans les concerts populaires qu’au théâtre. Qu’il est sombre, le chœur d’introduction de ce troisième acte ! On croirait plus volontiers assister à une nuit fatale de « Walpurgis » qu’à une simple réunion de contrebandiers. Malgré l’heureux contre-sujet des seconds dessus, l’idée première devient fatigante par son extrême développement.

Le morceau d’ensemble des tireuses de cartes, ainsi que la phrase des pressentiments funèbres de Carmen, sont très bien traités ; malheureusement on peut les considérer comme des hors-d’œuvre. Ils arrêtent tout net l’action.

Le quatrième acte, court et dramatique, commence par un chœur brillant. Il offre, comme partie capitale, le duo avec la jolie phrase : « Je ne menace pas, je supplie ».

Tel est, en quelque sorte, à vol d’oiseau, l’aspect de la partition nouvelle de M. G. Bizet.

Si le talent musical avait pu remplacer la science théâtrale, la représentation de Carmen eût été un triomphe pour le compositeur. On retrouve ici, plus que jamais, cet art d’écrire et d’instrumenter avec toutes les ressources contemporaines, art qui avait été si remarqué chez le jeune homme de vingt – cinq ans dont Les Pêcheurs de perles furent accueillis comme une révélation et comme une promesse éclatante ; mais ensuite, ni La Jolie Fille de Perth, ni Djamileh n’ont signalé un progrès du compositeur dans le sens de l’appropriation spéciale de la musique à l’effet scénique. Carmen ne s’est pas rapproché davantage de cet objectif, qu’il faut constamment viser quand on travaille pour le théâtre. Voilà pourquoi la représentation a été un mécompte pour cette partie de l’auditoire dont les sympathies sont grandes, sans doute, mais sans fanatisme de parti pris, à l’égard du maître de la jeune école française.

Cette école remplace l’idée, proprement dite, par des recherches harmoniques et par des combinaisons de sonorités. Elle s’efforce de trouver l’expression du détail, non de traduire la pensée d’ensemble ; elle se complaît dans les préciosités laborieuses. Elle ne sait pas vivifier d’un souffle puissant les grandes lignes d’une œuvre. En un mot, elle a trop d’ingéniosités, trop de procédés.

Il est difficile de présager quelle sera la durée de Carmen. Quel que puisse être le sort de cette œuvre lyrique, il est juste de déclarer que ni les auteurs, ni le compositeur, ni les artistes, ni la direction ne lui ont marchandé leur art personnel, leurs soins et leurs peines. Je n’aime point le poème, en tant qu’opéra comique. Mon goût me porte incomplètement, quant à présent, à la musique dite de la jeune école ; mais sous les réserves qui précèdent, je rends pleine justice à l’extrême habileté du texte et à certains mérites remarquables de la partition.

L’exécution laisse à désirer en ce qui concerne Mlle Galli-Marié ; elle joue son rôle mieux qu’elle ne le chante, Mmes Chapuy, Ducasse et Chevalier jouent et chantent bien les leurs. Le style, le timbre métallique de M. Bouhy ont, plus d’une fois, fait penser au maître, M. Faure, ce qui est le plus grand éloge que l’on puisse faire du jeune artiste de l’Opéra-Comique. Lhérie a chanté avec âme le rôle de José.

Quant à M. Du Locle, il a monté la pièce avec une élégance, une recherche, en un mot avec une coquetterie des plus dignes d’éloges. Par là on se classe aux premiers rangs des directeurs artistes. Ce ne sont pas toujours ceux qui s’enrichissent le mieux, mais ce sont ceux du moins qui rehaussent le plus leur profession.

Hippolyte Hostein

Persone correlate

Compositore, Pianista

Georges BIZET

(1838 - 1875)

Opere correlate

Carmen

Georges BIZET

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Henri MEILHAC Ludovic HALÉVY

Permalink

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data di pubblicazione : 24/09/23