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Les Théâtres / La Soirée. La Vivandière

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LES THÉÂTRES
Opéra-Comique : Première représentation de la Vivandière, opéra-comique en trois actes, paroles de M. Henri Cain, musique de Benjamin Godard.

Jamais réussite n’avait été plus désirable que celle qu’a obtenu, hier, l’Opéra-Comique ; non que la partition de la Vivandière soit une œuvre irréprochable, mais parce que Benjamin Godard n’était pas un de ces rêveurs qui demandent à la musique autre chose que ce qu’elle peut donner, et parce qu’il a écrit un ouvrage vraiment français, de tempérament et d’inspiration.

Petite musique ! vont s’écrier quelques-uns, qui aiment l’ennui et adorent l’insupportable ; mais musique pleine de cœur, d’esprit et de gaieté ; musique d’où l’algèbre est bannie et qui dit quelque chose. Benjamin Godard n’avait d’ailleurs pas à faire la preuve de sa science : le jour où il le jugeait nécessaire, ne développait-il pas en quelques lignes plus d’invention harmonique que nos plus nébuleux triturateurs d’accords ne le sauraient faire ? Puis n’est-ce pas aussi de l’art que de savoir pleurer et rire en musique ?

Ce qui avait manqué jusqu’alors à l’œuvre théâtrale de Benjamin Godard, c’était l’entente de la haute facture, la disposition des scènes capitales. Or, la Vivandière est précisément une de ces pièces à épisodes pittoresques où ne se rencontrent pas les pages de longue haleine : c’est ce qui a permis que le pauvre malade, tenant sa plume d’une main déjà glacée, pût écrire le mot « fin » au bout de son œuvre.

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Le livret de cette Vivandière n’est pas d’une transcendante invention, mais il est placé dans un cadre à la mode en ce moment : aimez-vous les soldats ? Vous n’y verrez pas autre chose.

[résumé de l’intrigue]

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Ce livret, quelque peu enfantin, a l’inconvénient de rappeler diverses pièces auxquelles l’élément « soldat » a valu des succès populaires ; il faut toutefois constater que les scènes militaires y sont rehaussées par des détails caractéristiques soigneusement réglés, et qu’elles ont intéressé le public. La musique contribue singulièrement à leur effet.

Toutes les chansons de soldats, sur des airs anciens ou imitant des motifs du temps, sont pleins d’entrain et fort amusantes. Les marches, contre-marches et tous les mouvements de nos soldats sont sur des thèmes que relève une orchestration colorée et originale. L’épisode du sergent La Balafre, racontant sa première bataille : avec accompagnement de quelques instruments seulement – parmi lesquels la grosse caisse et les cymbales jouent le principal rôle – et sur un rythme de plus en plus précipité est une étonnante trouvaille. M. Fugère dit ce morceau avec une chaleur toujours croissante qui arrive à un éclat final d’un irrésistible effet.

Le rôle de la Vivandière, que chante remarquablement mademoiselle Delna, est une longue suite de phrases exquises. Nous signalerons surtout le bel andantedu deuxième acte : « Ne me plains pas, chère enfant » ; puis la lecture de la lettre du troupier : « Mon p’tit gars » ; puis encore le récit : « Son père l’a chassé » ; enfin, la superbe déclamation du dernier acte : « Tu ne t’es jamais demandé ce que je devenais. »

Les autres rôles sont moins remplis, mais il faut citer au premier acte le duo chanté par M. Clément et mademoiselle Laisné, avec ses longues phrases sympathiques, accompagnées par un orchestre chantant dont l’expression est d’une douceur si tendre et si pénétrante.

Quant aux chœurs, nombreux et développés, ils sont tous, – sauf la banale invocation à la liberté, qui termine le deuxième acte – d’un caractère pittoresque et d’une belle sonorité.

L’interprétation de la Vivandière est excellente. Nous ne pouvons dure que mademoiselle Delna s’y soit montrée supérieure à elle-même, car elle a été extraordinaire dans toutes les créations qu’elle a faites jusqu’à ce jour. Mais dans ce rôle de Marion, le plus considérable de ceux qu’elle ait encore abordés, elle a prouvé qu’elle était de force à supporter le poids d’un ouvrage important, l’objet des manifestations enthousiastes du public.

M. Fugère, par son originalité, a réussi à rajeunir le type du vieux sergent, grave , galant et bon enfant. M. Clément a chanté le rôle de Georges avec une ampleur qui nous a paru toute nouvelle, et Mlle Laisné murmure avec beaucoup de charme les tendres phrases de celui de Jeanne.

M. Badiali est parfait sous l’uniforme du capitaine Bernard ; M. Mondaud joue avec autorité la scène unique que comporte le personnage du marquis de Rieul, et M. T. Thomas a donné une physionomie au petit soldat qui pleure en écoutant Mlle Delna lire, d’une façon si touchante, la lettre de ses parents.

On ne saurait, cette fois, dire trop de bien de l’orchestre et des chœurs, dont la part est d’une extrême importance.

Nous ne terminerons pas sans faire un grand éloge de la mise en scène, qui a été composée et réglée avec un soin extrême : jamais l’Opéra-Comique n’avait vu une telle armée sur ses planches, et surtout si bien disciplinée. Cette mise en scène mouvementée et amusante a singulièrement contribué au succès de l’œuvre.

À la chute du rideau, le nom de M. Henri Cain et celui de Benjamin Godard ont été proclamés et suivis d’une longue acclamation.

Charles Darcours.

[…]

LA SOIRÉE

Les Parisiens qui aiment à blaguer le genre éminemment national auraient eu mauvaise grâce à se livrer à ce petit exercice hier soir à l’Opéra-Comique, où, de la première scène à la dernière, le public plutôt sceptique des premières a fait un immense succès à la Vivandière. Il n’y a pas à dire, on n’a qu’à faire rimer gloire et victoire, à mettre des roulements de tambour dans l’orchestre et l’on est sûr d’enthousiasmer le public, surtout quand les décors sont jolis, pleins d’air et de lumière (voir celui du second acte signé Rubé) et quand les costumes sont de Detaille. On ne se refuse plus rien à l’Opéra-Comique.

On s’y donne même deux artistes comme il n’y en a pas beaucoup à Paris !

Mlle Delna ! la vivandière, dans sa petite carriole du premier acte, attelée d’un bon petit âne gris qui a l’air de croire que c’est arrivé ; jolie, ses cheveux blonds ébouriffés, son costume de cantinière un peu usé, une vraie cantinière qui vient de faire campagne. Tragique au second et au troisième acte, le geste large, quelquefois épique – et en même temps la voix pleine d’inflexions gaies. Elle jouerait aussi bien un rôle d’Hortense Schneider. Ah ! quel succès et quelle recette si elle jouait un soir, pour les pauvres, Boulotte dans Barbe-Bleue.

Elle a fait preuve d’un grand courage, ce soir, Mlle Delna. Elle était malade et toussait fort. Le public ne s’est aperçu de rien – et il ne se doutait pas de la cruauté dont il faisait preuve en bissant chaque air de cette artiste admirable, qui est admirable parce qu’elle est ainsi et qui chante tout naturellement comme elle joue. C’est une nature.

Et à côté d’elle Fugère, un Raffet : au premier acte les souliers déchirés, le pantalon en loques, l’habit en lambeaux, tout dépenaillé sauf le plumet de son bicorne, un vrai voltigeur de la 32e, de ceux qui ont traversé l’Europe nu-pieds, se battant le ventre creux et la Marseillaise aux lèvres. Et au second un beau soldat, un vrai soldat de la République une et indivisible, un de ceux qui allèrent en Égypte, qui devinrent les vieux de la vieille et qui suivirent le grand Empereur.

Il est difficile de mieux établir un bonhomme que Fugère n’a établi le sien. On a dit son succès comme chanteur et comme comédien, mais ce qu’il faut dire aussi, c’est son succès comme danseur. On ne pince pas plus gaillardement une française et c’est une résurrection vraiment amusante de la danse révolutionnaire que les artistes de l’Opéra-Comique ont faite au commencement du troisième acte.

Du reste, tout a bien marché dans cette représentation. Et l’on y vu, chose rare, incroyable et bien près d’être unique dans les fastes du théâtre : des troupiers faisant l’exercice correctement. Il y a eu des « Présentez armes ! » parfaits et des « Portez armes ! » irréprochables et je ne sais si c’est la présence dans la salle du Président de la République et de quelques ministres, mais les soldats de l’Opéra-Comique ont manœuvré comme de vrais soldats.

C’est que ces braves gens ont été pris comme le public. Il y avait des birbes de Marseillaise dans l’orchestre, et des souffles de patriotisme dans la salle. Ah ! comme on les mènerait loin tous ces blagueurs avec une bonne musique militaire !

Un Monsieur de l’Orchestre.

Persone correlate

Direttore d’orchestra, Compositore, Violinista

Benjamin GODARD

(1849 - 1895)

Baritono

Lucien FUGÈRE

(1848 - 1935)

Opere correlate

La Vivandière

Benjamin GODARD

/

Henri CAIN

Permalink

https://www.bruzanemediabase.com/it/node/882

data di pubblicazione : 24/09/23