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La Soirée théâtrale. Carmen

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Data di pubblicazione :

La Soirée théâtrale
Carmen

Il ne fallait rien moins que les noms aimés de Meilhac et Halévy pour attirer à I’Opéra-Comique ce public vraiment parisien qu’on n’y voit pas d’ordinaire, même les soirs de première.

Les auteurs de la Grande-Duchesse et des Sonnettes, de la Vie parisienne et de la Petite Marquise, ces fantaisistes si spirituels, ces observateurs si parisiens, joués sur la scène de Scribe, d’Étienne et de Planard ! Quel régal ! On criait par-dessus les toits que le genre de l’Opéra-Comique se mourait, que le genre de l’Opéra-Comique était mort, mais si les maîtres du théâtre moderne voulaient s’en donner la peine, s’ils voulaient – comme Meilhac et Halévy – écrire un livret de temps en temps, ce cri-là ne trouverait bientôt plus d’écho. L’expérience a réussi à Labiche lors du Voyage en Chine, l’empressement du public de ce soir me permet de supposer qu’elle réussira également pour Carmen, l’exemple est donné : en avant, messieurs, en avant !

*

Lorgnons la salle.

J’ai dit qu’elle est fort brillante.

Dans les loges, je vois Hortense Schneider et Mlle Scriwaneck, Mmes Gueymard, Mélanie Reboux, Offenbach, Roger, Alexandre Dumas, Faure, Judic, qui vient de faire ses malles pour Saint-Pétersbourg et n’a remis son départ à demain qu’afin d’assister à la première, Valtesse, Brandus, Camille Doucet. Au balcon et à l’orchestre, Céline Chaumont, retour de Monaco, Zulma Bouffar, Grisart, Pasdeloup, Heugel, Grandville, Demay, le directeur Humbert, Dupin, Narrey, Détaillé, Émile Jonas, le prince Troubotzkoï, Nibelle, Massenet et Charles Lecocq.

J’étais bien sûr de voir Lecocq. Lecocq ne pouvait se dispenser de venir applaudir Bizet. Quand l’auteur de la Fille de Madame Angot et de Giroflé-Girofla remporta son premier succès, beaucoup de mes confrères rappelèrent qu’il y à dix-huit ans, Offenbach, alors directeur des Bouffes-Parisiens, ayant mis au concours la musique d’un opéra-comique en un acte, le Docteur Miracle, paroles de Léon Battu et Ludovic Halévy, deux compositeurs se partagèrent le prix, Lecocq et Bizet ; le Docteur Miracle fut joué un jour avec la partition de Lecocq, un jour avec celle de Bizet.

Ce qu’on a fait à propos de Lecocq, il est bien juste de le faire à propos de Bizet. Rappelons donc aujourd’hui encore qu’il a dix-huit ans, Offenbach, alors directeur des Bouffes-Parisiens, ayant mis au concours la musique d’un opéra-comique en un acte, le Docteur Miracle, paroles de Léon Battu et Ludovic Halévy, deux compositeurs se partagèrent le prix, Bizet et Lecocq ; le Docteur Miracle fut joué un jour avec la partition de Bizet, un jour avec celle de Lecocq.

Par exemple, c’est la première fois depuis longtemps que Bizet n’aura pas gagné la partie d’écarté qu’il a l’habitude de faire, tous les mercredis soirs, avec Henri Meilhac.

Bizet, qui épousa, il y a cinq ans, Mlle Geneviève Halévy, la fille du compositeur illustre, habite, rue de Douai, la même maison que son cousin Ludovic. Tous les mercredis, ce dernier reçoit quelques amis, parmi lesquels MM. Albert Cavé, Albert Millaud et naturellement Henri Meilhac.

On joue à l’écarté et au whist. Meilhac fait régulièrement une partie, une seule, avec Bizet qui, régulièrement aussi, tourne le roi, d’où il résulte que, non moins régulièrement, Meilhac perd – ce qui ne l’empêche pas de recommencer la semaine d’après.

*

L’Opéra-Comique, dans le Florentin de Lenepveu nous avait montré une toile que Carolus Duran avait brossée tout exprès ; dans Carmen, les costumes des dragons sont tout bonnement de Détaille. Quand on pense que le moindre croquis du jeune peintre déjà célèbre vaut des prix fous, on est bien forcé de reconnaître que M. du Locle fait royalement les choses.

Ce qui a un peu étonné, ce sont les lances que portent ces dragons.

— Ce ne sont pas des dragons, disait-on, ce sont des lanciers !

Et pourtant ce sont des dragons. Seulement, il parait qu’en 1824, en Espagne, les dragons portaient des lances. Ce qu’il fallait savoir.

Potel a dessiné lui-même son costume de chef contrebandier ; quant à ceux de Galli-Marié ils sont également d’un peintre de grand mérite, M. Clairin, l’ami d’Henri Regnault.

Les décors sont charmants, surtout ceux du second et du quatrième acte : la posada et le cirque de Séville.

Mais les pauvres femmes choristes, habituées aux entrées solennelles et aux sorties calmes de la Dame blanche doivent se trouver bien malheureuses depuis les représentations de Carmen. Vous ne vous figurez pas tout ce qu’on exige d’elles : elles dansent, se battent et – chose inouïe – fument la cigarette ! Dans le nombre, il y en a qui ont dû chanter les chœurs de la première de Richard Cœur de Lion et qui pâlissent affreusement chaque fois qu’elles lâchent une bouffée de fumée.

*

Quelqu’un qui ne doit pas regretter que les répétitions de Carmen soient terminées, c’est Mlle Chevalier. Il faut vous dire que Mlle Chevalier est une charmante jeune personne, sage, rangée, honnête, timide, pudique, autant qu’il est possible de l’être. Or, elle avait à remplir un rôle de bohémienne exigeant des allures un peu en dehors, qui ne lui sont pas familières.

Aussi, dès les premières répétitions, les auteurs s’occupèrent-ils de la façonner à ces allures avec un soin tout particulier. Mlle Chevalier les écoutait docilement et profitait avec intelligence de leurs leçons. On avait tout lieu d’être satisfait d’elle, mais les auteurs sont cruels ; ils s’imaginèrent de lui jouer un petit tour et de l’effrayer.

— Ce n’est pas du tout cela, lui disaient-ils. Au commencement, vous en faisiez trop peu, mais maintenant vous allez trop loin !

Le lendemain, ils prenaient un air fâché.

— Oh ! oh ! Prenez garde ! qu’est-ce que c’est que ce geste-là ? Le public ne tolérera jamais des choses pareilles. Vous tombez dans l’inconvenance.

La pauvre enfant en était arrivée à être très sérieusement épouvantée.

Et elle éteignait peu à peu tous ses effets. Elle avait beau faire, les reproches ne cessaient pas et son inquiétude augmentait à chaque répétition.

— Mon Dieu ! se demandait-elle, est-ce que je serais réellement devenue une dévergondée ? Ce n’est que tout à fait à la fin qu’on s’est décidé à la rassurer et à lui dire que tout cela n’était qu’une plaisanterie.

Une plaisanterie qui est toute à votre gloire, mademoiselle.

*

Beaucoup d’animation, dans les couloirs. On y cause du nouveau ministère et de la habanéra de Galli-Marié.

(Car il paraît que la chanson qui a eu tant de succès au premier acte est une habanéra.)

La représentation a fini à une heure du matin – absolument comme à une première de féerie. Les habitants de la rue Favart en étaient scandalisés !

*

Les trois auteurs de Carmen ne pourront pas dire qu’ils ont perdu leur journée. En effet, outre leur première à l’Opéra-Comique, le 3 mars aura marqué dans leurs trois existences de la façon la plus agréable. Pour MM. Meilhac et Halévy d’abord ! C’est aujourd’hui que la Boule atteint la centième au Palais-Royal. Une première et une centième le même soir, la coïncidence est assez étrange, et pour peu que ces messieurs soient superstitieux – les auteurs dramatiques le sont assez volontiers – ils n’auront pas manqué d’en tirer quelques riants pronostics.

Quant à M. Bizet, on lui a annoncé, ce matin, sa nomination dans la Légion d’honneur. Cela peut s’appeler un véritable coup double et, pour des collaborateurs heureux, voilà des collaborateurs heureux.

Un monsieur de l’orchestre

Persone correlate

Compositore, Pianista

Georges BIZET

(1838 - 1875)

Opere correlate

Carmen

Georges BIZET

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Henri MEILHAC Ludovic HALÉVY

Permalink

https://www.bruzanemediabase.com/it/node/17934

data di pubblicazione : 25/09/23