Premières représentations. La Montagne noire

THÉÂTRES
Premières représentations
Opéra. — Première représentation de la Montagne Noire, opéra en quatre actes de Mlle Augusta Holmès.

C’est avec le plus grand plaisir que nous avons entendu l’opéra de Mlle Holmès. Depuis longtemps, ce n’avait été pareille fête pour nos oreilles… je ne dis pas une fête pour l’esprit, car il est certain que la musique de Mlle Holmès ne s’élève jamais aux grandes hauteurs de l’émotion intellectuelle ; mais quel charme ! c’est constamment une caresse de symphonie amoureuse, colorée, chaude, vibrante, délicieuse.

L’incontestable sincérité du compositeur, l’effort persistant à bien faire, voilà encore des qualités qui recommandent la Montagne Noire, non seulement à notre sympathie, mais à notre admiration. Nous n’avons donc qu’à applaudir à l’œuvre nouvelle, et c’est ce que le public fera certainement avec nous.

Nous n’aimons guère que les critiques qui partent d’une conception a priori du drame lyrique ou de l’opéra, pour juger les productions contemporaines. On peut faire un chef-d’œuvre sans se conformer aux esthétiques établies à l’avance. Nous ne reprocherons donc pas à Mlle Holmès de n’avoir pas écrit le drame wagnérien que quelques-uns attendaient d’elle. Ce qu’on peut lui objecter à juste titre, c’est de ne pas avoir apporté une de ces notes éminemment personnelles qui font date dans l’art ; mais si Mlle Holmès a dans la mémoire les procédés musicaux de Wagner et de Gounod, jamais, jamais elle n’imite ; on comprend que son tempérament d’artiste a été influencé par ces maîtres, mais on comprend aussi et on est sûr qu’elle a senti, vécu, travaillé son œuvre par elle-même, en un mot, qu’elle est absolument sincère, et cela seul suffit à faire de la Montagne Noire une belle et noble œuvre d’art.

Nous avons dit que c’est par les qualités voluptueuses que vaut surtout la partition ; cela va même jusqu’à l’érotisme, — comme dans l’œuvre de Wagner. Mlle Bréval a fait une belle création du personnage principal ; MM. Alvarès et Renaud ont eu leur part de succès comme chanteurs. L’orchestre a bien mis en valeur le caractère passionnel de la symphonie. Enfin la mise en scène, comme toujours à l’Opéra, encadre superbement le poème.

E.D.