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Musique / La Soirée parisienne. La Montagne noire

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MUSIQUE
ACADÉMIE NATIONALE DE MUSIQUE. – La Montagne noire, drame lyrique en quatre actes, poème et partition de Mlle Augusta Holmès.

J’ai lu le poème de Mlle Holmès ; j’ai lu sa partition aussi, avec autant de soin qu’il a été en moi ; enfin, j’ai entendu et vu l’œuvre à la scène. Si j’ai eu quelque prévention, c’était en faveur de l’artiste, qui préconisa de longue date les théories lyriques et dramatiques auxquelles je suis toujours attaché. Son effort, d’ailleurs, m’apparaissait considérable. Il m’eût été plus agréable que je ne saurais le dire de louer non seulement la double volonté, mais le double talent et le double bonheur d’une femme excellement douée, capable de conduire à bonne fin la grande entreprise d’un drame musical complet, action et musique. Le malheur veut que l’événement n’ait point répondu à mon désir. Mon regret en est vif, mais je n’en exprimerai pas moins ma pensée d’une franchise entière.

*

Le sujet de la Montagne noire peut se résumer en peu de mots. Nous sommes au Montenegro, au dix-septième siècle. Les rudes montagnards mènent contre les Turcs leur guerre éternelle, sans répit, sans merci. Deux jeunes chefs, Mirko et Aslar, ont triomphé côte à côte, en des combats héroïques. Entre eux, la fraternité d’armes est consacrée religieusement, par un serment solennel, juré devant tous, et qui les engage à la vie, à la mort. Mirko est fiancé à Héléna, la plus pure, la plus noble parmi les vierges de la Montagne. Une captive musulmane survient, sensuelle et perverse, qui ravit ce cœur lâche qu’on pensait loyal.

Un moment le malheureux hésite ; mais sa passion, allumée à l’improviste comme un brusque incendie, le tient et il ne lutte plus contre le déshonneur accepté. Dans la forêt où il s’enfuit avec Yamina, le fidèle Aslar le vient rejoindre, afin de l’arracher à la honte. Son dévouement est payé d’un coup de poignard de la main de la Sarrazine. Les Monténégrins approchent, juste à cette minute, de la clairière maudite, d’où Yamina s’est échappée, où Mirko, désespéré soudain, s’accuserait du meurtre si son frère d’armes ne se réveillait de sa demi-mort pour le sauver par un sublime mensonge. Ils sont tombés, prétend-il, dans une embuscade de Turcs : Mirko l’a défendu… Hélas ! l’envoûté ne reprendra pas possession de son cœur.

En avant marchent les fils de la Montagne, acharnés à vaincre. Ils ont envahi le territoire de l’ennemi. Nous voici dans un jardin de joie, où la brise chante en des bosquets fleuris, embaumés du parfum des jasmins capiteux et des roses. Mirko et Yamina s’y enlacent, elle, orgueilleuse de sa conquête, lui, tout éperdu de sa volupté. Paraît Aslar, guéri de sa blessure, résolu, coûte que coûte, à rendre son ami au devoir et à la gloire. Il précède de peu ses compagnons déjà maîtres du pays, assurés du triomphe. L’assaut est donné à la ville et Mirko ne veut rien entendre, vit sans espoir. C’en est trop. Le franc soldat l’étend mort à ses pieds et se tue lui-même. Leurs frères victorieux ne trouveront plus que deux cadavres. Du drame d’ignominie, jamais rien ne transpirera. La fraternité d’armes a eu raison tout au moins des apparences : l’honneur est sauf. 

Je vois fort bien les idées que Mlle Holmès a désir mettre en évidence la grandeur de l’union fraternelle dominant les aventures les plus cruelles de la vie ; le rayonnement de corruption d’une étrangère, suivant ses instincts, servant des intérêts contraires aux destins du milieu où le sort la jette. Ces idées s’énoncent dans le poème : elles ne s’y résolvent pas vraiment en action. Les caractères sont peu ou mal dessinés ; les personnages ne sont que des formes vaines et bavardes.

Au lieu d’un drame serré, nous avons des scènes vagues, embarrassées d’épisodes longs et traînants, de hors-d’œuvre d’opéra le plus souvent entachés de banalité. Le second acte, où Mirko lutte entre le sentiment du devoir et la rage de son désir est d’une maladresse pénible. De même l’acte de la forêt, avec le coup de poignard de la Sarrazine et l’héroïque mensonge d’Astor [sic]. Mais il est inutile d’insister. Les belles intentions non réalisées tournent contre leur but. On ressent une impression de fatigue et, tranchons le mot, d’ennui. Ce poème, qui se veut hardi, n’est même pas étrange.

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Du côté de la partition, la déception est égale. Musique indécise, sans originalité mélodique, sans déduction symphonique, bruyante parfois, sans vraie couleur. Les thèmes conducteurs brodent l’œuvre par places, au lieu de lui faire une base solide sur laquelle tout se développe avec ampleur. L’orchestre joue surtout un rôle accompagnant en ses sonorités flottantes, tantôt tumultueux, tantôt grêle, presque toujours mal équilibré en soi-même. Je ne tiens pas compte des réminiscences, qui, pourtant, ne manquent pas : le prélude, par exemple, débute presque textuellement par le motif de l’épée de la Walkyrie. Çà et là, des récits ont une contexture très extérieurement wagnérienne. Mais c’est principalement à M. Massenet que l’on pense souvent, sans qu’il y ait, d’ailleurs, esprit de citation ou directe ressouvenance.

De la manière de l’auteur du Roi de Lahore procèdent avec évidence des pages comme les cantilènes de Yamina : « Près des flots d’une mer bleue et lente », et d’Héléna : « Blanche Vierge, qui sous vos voiles ». Pareillement, le chant de Mirko : « Je me souviens et tu seras heureuse » ; le duo de Yamina et du jeune homme au troisième acte : « Tu m’appartiens, je suis ta proie », et le trio qu’amène l’intervention d’Aslar. Nulle part la pensée n’est très franche et marquée de véritables traits personnels. Et que de pages épisodiques sans caractère ou traitées en hors-d’œuvre sans la moindre dissimulation, sans utilité pour le drame ! Des chœurs religieux, des chœurs à boire, des chœurs de femmes se rendant au travail et s’arrêtant à chanter, des romances à détacher, d’inutiles guzlas. À quoi songeait donc l’auteur en écrivant toutes ces choses ! Musicalement, ce qu’il y a de dramatique en son poème en est étouffé. Ce n’est pas à l’école de Wagner, à coup sûr, qu’elle en a pris l’inspiration plus que fâcheuse. 

Sans doute, en cet ouvrage touffu où les développements sont rares, on en découvre quelques-uns qui ont de la valeur : ainsi dans le commencement de la scène de la fraternité au premier acte : « Deux hommes, forts de leur gloire conquise, réclament la fraternité. » Le thème est encore bien développé au second acte sous ces paroles de la Sarrazine : « Ne sens-tu pas l’ardeur du souffle qui te frôle ? » Par contre, il est des essais de séduction très malheureux, un, entre autres, presque au début de l’acte troisième : « Les paradis de ta croyance… » Des harmonies curieuses soulignent certains passages, notamment la phrase de la mère de Mirko à Yamina, vers la fin de l’exposition : « Je t’accorde la vie… » Mais il ne sert à rien de prolonger des nomenclatures de détails plus ou moins ingénieux, disséminés dans une partition lourde et faible.

*

L’œuvre est jouée d’une façon, somme toute, assez médiocre. Je conviens que les rôles, écrits dans le monde tendre, sont peu favorables aux voix et que l’effet ne va pas sans monotonie. Mais l’interprétation n’en laisse pas moins à désirer. Le ténor Alvarez déploie un organe riche et clair ; il a, seulement, à perfectionner son style et à rendre son jeu plus souple, plus intime et plus varié. À Mlle Bréval est échu le personnage, si peu caractérisé, de Yamina : elle se dépense vaillamment à l’incarner. On ne reprochera pas à Mlle Héglon et Berthet d’économiser leurs belles notes. M. Renaud reste au-dessous de lui-même à représenter Aslar. Une sorte de moine à la ceinture duquel s’entrebattent un crucifix et des pistolets, a pour interprète le grave M. Gresse. Tout le monde se laisse aller à crier un peu plus que de raison. Mon dernier mot sera pour la mise en scène. 

Si les décors sont pittoresques et bien plantés, le mouvement des figures est de la plus regrettable banalité. Des alignements de chanteurs, une absence de vie et d’imprévu, une pauvreté de conception scénique digne des plus mauvais jours du passé. Notre Académie nationale a, décidément, bien des progrès à faire. On n’y a ni mesure, ni finesse. L’à-peu-près y prévaut en tout. En vérité, cette représentation a étalé tous les défauts de la mise en scène officielle. Il n’est que temps qu’on réfléchisse à ceci : les somptuosités ne sont que la moindre part de la représentation d’une œuvre : l’essentiel est qu’on rende l’action même en sa vivante particularité.

Fourcaud

La Soirée Parisienne
LA MONTAGNE NOIRE

Il neige.

Les belles mesdames vêtues de toilettes claires et emmitouflées de fourrures, les beaux messieurs serrés dans leurs pelisses, gravissent en frissonnant le perron de l’Opéra. Chacun se débarrasse, prend sa place, se prépare à écouter et à regarder. Çà et là, quelques ministres. La salle est très bien chauffée : MM. Bertrand et Gailhard sont des directeurs prévoyants. 

Après un court prélude, le rideau se lève. Nous sommes au Monténégro, à l’époque de la guerre sainte, et nous allons voir un chef qui trahit sa patrie pour les beaux yeux d’une femme. Cela rappelle à la fois Pour ta couronne ! et Carmen, ce qui donne à penser que François Coppée et Bizet auraient fait ensemble un opéra magnifique.

Le décor est très beau : une forteresse au milieu des Balkans, à droite d’immenses rochers dans lesquels a été creusée une niche qui abrite une statue de la Vierge à gauche, un gigantesque escalier taillé dans le roc. De formidables coups de canon annoncent qu’une bataille sérieuse se livre derrière la toile de fond. Vivat ! les Monténégrins sont vainqueurs ! Ils accourent en agitant leurs armes. Jolis costumes très exacts ; armures authentiques. Les deux frères d’armes, Mirko et Aslar, chantent tout le temps ensemble sur les mêmes paroles ; habitude d’enfance, sans doute. Mlle Bréval, très belle en odalisque, est fort applaudie dans une mélodie qui sera cet hiver sur tous les pianos. Que dis-je, elle y était déjà l’hiver dernier. A signaler l’ensemble du serment et le ballet-chanson à boire, qui termine l’acte, dansant et gracieux.

Et la neige tombait toujours.

Le deuxième acte nous transporte dans un village monténégrin adossé à la montagne. À droite, la maison de Mirko ; à gauche, un escalier. C’est le deuxième de la soirée, sans compter le grand escalier de l’Opéra. Acte très wagnérien (bravo ! madame Holmès !) avec leit-motiv exécuté sur le tambour de basque. Comme Mirko se dispose à trahir et qu’Asiar se dispose à trouver que ce sont là des choses qui ne se font pas, MM. Alvarez et Renaud jugent plus convenable de chanter séparément. Nouvelle mélodie dansée par Mlle Bréval, qui donne avec ses bras une idée approximative de la danse abdominale.

Et la neige tombait toujours.

Nous voici maintenant, la nuit, dans un site abrupt et sauvage : une forêt monténégrine dans toute lacception du mot, avec, à gauche, une croix monumentale dressée sur un monticule de mousse. Les sapins et les bouleaux se disputent l’attention du public ; MM. Alvarez et Renaud, Mlle Bréval en font autant. Les deux amoureux, Mirko et Yamina, se promènent dans le bois pendant que le loup ny est pas. Mais le loup arrive bientôt, sous les apparences dAslar. Le duo, subséquemment, se transforme en trio Yamina menace Aslar du poing… dorgue ! Aslar préfère recevoir un coup dépée.

Etoiles, jai tué mon frère ! jugez-moi !

chante M. Alvarez, ce qui vaut mieux que de chanter la Czarine, comme Mlle Bréval. Mais la Montagne noire fut écrite en 1886. M. Louis Ganne est-il donc le coupable ? Y a-t-il simple coïncidence ? Cruelle énigme 

Et la neige tombait toujours.

Voici le dernier tableau, le quatrième ayant, en effet, été coupé avant la répétition générale. Mais les amateurs pourront le trouver sur la partition très artistement gravée par l’éditeur Maquet. Nous sommes dans une ville turque. La scène est occupée par un vaste et riant jardin situé au bord des remparts plantés de palmiers. À droite, la maison de Yamina. Au loin, longue enfilade de remparts avec échappée sur la ville endormie. L’acte débute par un très gracieux ballet dansé par des odalisques très peu vêtues de gaze orange et rouge, la taille encerclée de plaques d’argent, la tête recouverte d’une étrange tiare groseille des Alpes. La belle Torri, coiffée de sequins, enceinturée de turquoises, agite rythmiquement des voiles bleu et orange.

Mlle Bréval, qui a pu se changer chez elle, a revêtu un riche costume.

Mirko trahit de plus en plus. On ne sait où il s’arrêterait si Aslar ne survenait pour le poignarder, tandis que l’incendie allumé par les assiégeants éclate au bas des remparts. 

Le rideau et la neige tombent.

MM. Bertrand et Gailhard ont monté avec un soin minutieux l’œuvre de Mme Holmès. MM. Alvarez, Renaud, Gresse, Mmes Bréval, Héglon, Berthet ont suscité les plus sympathiques applaudissements. L’orchestre de M. Taffanel, bien qu’habitué à plus de besogne, s’acquitte à merveille de la tâche qui lui est confiée. Les chœurs, bien entraînés par MM. Delahaye et Mangin, montent aussi haut que la partition l’exige. La mise en scène, de MM. Lapissida et Hansen, est parfaite et très ingénieuse. Le président de la République, Mme et Mlle Faure ont remporté un très vif succès dans la loge présidentielle. L’excellent Coleuille n’a pas été moins bien partagé en venant annoncer le nom de l’auteur. J’ai déjà loué comme il convenait les décors de M. Marcel Jambon. M. Bianchini est un dessinateur de costumes très érudit, et Mme Augusta Holmes « reste toujours l’auteur des Griffes dor

Et la neige tombait toujours.

INTERIM

Persone correlate

Giornalista

Louis de FOURCAUD

(1851 - 1914)

Compositrice, Pianista, Librettista

Augusta HOLMÈS

(1847 - 1903)

Opere correlate

La Montagne noire

Augusta HOLMÈS

/

Augusta HOLMÈS

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data di pubblicazione : 31/10/23