La Vestale de Spontini
Académie Impériale de Musique
La Vestale.
Deux choses attirent la foule à ce spectacle, l’intérêt du sujet et l’agrément de la musique : on trouve rarement ces deux choses réunies à l’Opéra ; souvent même elles se nuisent. Il n’est que trop ordinaire que la musique, par ses longueurs, étouffe l’intérêt du drame, et arrête sa marche. La liaison intime de la musique avec la poésie est le grand secret de toute composition lyrique ; mais il n’y a guère qu’en France où l’on recherche ce secret-là ; il n’y a qu’en France où l’on ait la prétention de former un ensemble, dans lequel la musique embellisse l’action théâtrale. En Italie, les opéras, soit sérieux, soit comiques, ne sont que des concerts ; c’est un fait qu’on ne peut trop rappeler, pour trancher une foule de disputes où l’on ne s’entend pas. Les nouveaux systèmes, sous prétexte de perfectionner l’art, tendent à le dépouiller de ce qu’il a de plus noble, pour le réduire au seul plaisir d’une harmonie et d’une mélodie vague.
Dans la Vestale, l’expression musicale est parfaitement d’accord avec la scène ; particulièrement dans le rôle de la vestale, qui est joué et chanté par Mad. Branchu avec une grande supériorité : celui de l’amant est rendu par Lainez avec une chaleur et une énergie vraiment dramatique ; l’amour n’y est point fade comme dans la plupart des opéras ; ce n’est point de la galanterie, c’est le délire de la passion ; et sous ce rapport l’ouvrage est neuf.
On pourrait peut-être y blâmer un excès de vérité et de naturel. Des spectateurs scrupuleux sur les bienséances pourraient trouver la Vestale trop amoureuse : le rendez-vous dans le temple est en effet une situation critique et délicate ; mais il y a longtemps que nous sommes affranchis de tout scrupule sur cet article. En France, on a plus de dévotion pour Vénus que pour Vesta. Le célibat religieux est regardé comme une superstition barbare, comme une tyrannie qui viole les droits de la nature. On ne voit dans la Vestale qu’une fille courageuse qui brave un despotisme inhumain, qui obéit à son cœur plus qu’à des lois injustes : on s’intéresse à deux amans qui s’exposent à la mort pour recouvrer la liberté, et qui aiment mieux périr ensemble que de vivre séparés. Peut-être arrivera-t-il que ces transports d’une véritable passion rendront plus froids et plus insipides les entretien doucereux et galans des héros de l’Opéra avec leur illustres princesses. Enfin le nouvel opéra a le mérite plus précieux qu’on ne pense de n’être pas trop long.
Les danses sont amenées naturellement, et tempèrent par leur gaité ce que le sujet peut avoir de lugubre. Un poète qui parvient à faire un ou deux opéras qui réussissent est fort content de lui, et se tient tranquille. Gardel est l’homme de tous les opéras ; c’est lui qui est chargé de les embellir tous. Il n’a pas plutôt composé les danses d’un opéra, qu’il s’occupe d’un autre : il ne peut pas se reposer sur ses lauriers ; chaque succès lui commande un nouveau travail.
L’absence de madame Gardel se fait sentir depuis quelques temps ; une indisposition l’éloigne du théâtre : la déesse de la danse est donc sujette aux accidents de l’humanité. Peut-être a-t-on besoin de cet avertissement pour croire qu’elle n’est qu’une simple mortelle. D’autres divinités, qui se portent fort bien, nous consolent et nous enchantent. On distingue parmi elles Mlle Chevigny, qui répand l’âme et la vie partout où elle porte ses pas, et qui peint si vivement l’abandon du plaisir et l’ivresse de la joie. Entre les danseurs, Saint-Amand fixe l’attention par une exécution facile, légère et brillante, par des progrès toujours nouveaux. Ce jeune artiste, plein d’émulation et d’ardeur, recommandable surtout par son rare talent pour la pantomime, est aujourd’hui l’un des plus utiles et des plus agréables sujets de la danse, et paraît mériter toute sorte d’encouragement.
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La Vestale
Gaspare SPONTINI
/Étienne de JOUY
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data di pubblicazione : 21/09/23